• Puis j'eus soif.
    J'avais fait le deuil de l'eau
    de la neige qui fond
    des larmes sans retour
    le deuil des torrents et des sources.
    Un visage grimaçant
    un reflet sans support
    une longue tige d'heures
    des yeux embués
    dont aucun ne m'appartient.
    Une certitude
    une autre certitude
    au-delà de laquelle...
    une vision floue
    une autre vision floue
    une autre essence
    une autre démesure...
    Et cette perspective toujours brouillée
    au fond d'un lac au fond
    de n'importe quel point d'eau...
    Une autre soif !
    Un autre brasier à vif...
    En pure perte...

    Vital Bender


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  • C'est en vain que j'attends les éclaircies annoncées et je taille la route sous la neige, la pluie, la neige. Les pieds dans la boue, les flaques, la neige, la boue.
    Je suis à la cabane du Plan, unique pensionnaire. Dehors le vent souffle et le brouillard masque tout. Loin au-dessus de la plaine, on devine un ciel bleu. L'alpage est piqueté de blanc.
    J'ai le cafard. Ma tisane "Jambes légères" n'allège pas ma tristesse. Je ne sais pas à quoi elle est due. Peut-être à la pluie, la boue, la neige, la pluie ; associés à une fatigue qui trouve enfin logiquement son nid.
    Envie de rien. J'ai déjà bien travaillé, en cabane puis en déplacement. Peut-être faut-il simplement se coucher, accueillir la tristesse avec bonheur. La recevoir avec la même grâce que pour la joie qui me fut coutumière jusqu'à ce jour. La savourer. La savoir volatile... Puisque comme tout en ce bas monde ; elle passera.


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  • Puis le vide m'apparut plus beau
    puis l'instant m'apparut plus clair.
    Je regardais les oiseaux les grands oiseaux contrits tournoyer autour de visages qui se comprenaient sous leur masque éternel.
    Je voyais des lances dans le ciel
    monter et descendre parmi les couronnes ailées et les cercueils vides.
    Je n'avais pas encore compris ce que signifiait la conscience d'une réalité plutôt que d'une autre
    ni pourquoi il fallait que cela fût (mais cela fut-il ?).
    Je n'avais pas encore ouvert les yeux sur l'immense pieuvre de la nuit
    dont les tentacules sont autant de flagellations de soleils dans la mémoire.
    Je n'avais pas encore séparé le silence de l'abandon
    l'abandon de l'absence
    et je croyais en cet instant comme à un trou dans un mur
    à une avancée de reflets sur une vitre qui vole en éclats.

    Vital Bender


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  • Météo-Suisse est décidément d'une précision remarquable : déjà dix centimètres de neige. Et ça continue. J'espère qu'ils seront tout aussi pertinents pour la suite de leurs prévisions : éclaircies à la mi-journée et améliorations croissantes sur les jours suivants.
    Je ne vais pas retrouver ma tente aujourd'hui. Ce doit être un désastre absolu. Moi qui craignais ces rigoles convergentes... Quand la neige aura fondu ça sera tout juste un étang. Je vais tant bien que mal rejoindre la cabane du Plan. Celle qui eut la générosité de me prêter une couverture. J'irai constater demain l'ampleur des dégâts. En tout cas je remercie le hasard qui me contraignit à modifier mes projets pour m'amener à la cabane des Violettes. Je serais sûrement très malheureux aux Outanes. Si ce n'est mort de froid. Cela valait bien quelques ronflements.

    Je ne vous ai pas encore bien situé les Outanes. C'est une minuscule vallée parallèle à celle du Rhône.
    au-dessus de Sierre, sur la rive droite, on peut distinguer l'alpage du Plan. C'est un alpage encore sauvage car épargné de toutes ces constructions clairsemant le domaine skiable. En hiver il n'est fréquenté que pas les randonneurs qui y font le col de la Roue qui, justement, donne sur les Outanes. Comme cela laisse à prévoir, le vallon est totalement sauvage, ceint de pierriers et de falaises avec en son val, la Tièche qui y creuse son lit et comme sentinelles à chaque extrémité, le Schwartzhorn et le Mt-Bonvin. Un chemin pédestre le longe, reliant les Violettes à la Lämmerenhütte. Mais comme l'itinéraire n'est pas mentionné sur les cartes d'excursions, il y est très peu couru. D'autant que comme je disais précédemment, la rive droite est moins choyée par les promeneurs. La plupart des fiertés valaisannes élèvent leur majesté sur la rive gauche.
    Signalons pour conclure que si la plaine du Rhône se dissimule derrière les falaises sud, les pierriers nord soutiennent le glacier de la plaine Morte. Qui d'ailleurs déverse avec fracas le suc de ses chaleurs estivales non loin de mon campement.


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  • Solitude de l'artiste
    du paria du maudit...
    Vincent je te rejoins sur ton île flottante.
    Les yeux de tes pinceaux me regardent si fixement
    que mon être se dissout
    comme un peu de couleur dans l'eau claire.
    Fétu fragment poussière
    dans la tourmente purificatrice...
    L'eau ruisselle suinte de partout
    la neige fond entre les nerfs les fibres
    le printemps tarde tarde cependant
    ou alors c'est un autre printemps
    un printemps d'écuelle de chien
    de pinceaux crucifiés de couleurs mutantes
    d'oripeaux rongés par les mites
    un printemps qui me renverse
    me poignarde dans le dos
    et m'achève d'un long rire aigre.

    Vital Bender


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