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Mais aucune page ne restera indéfiniment vierge.
Les chevaux piaffent d'impatience à divers points de cet horizon quadrillé
et dans une marge fictive
et dans chaque petit carreau
brille
une constellation d'yeux porcins.
Le poète écarquille les yeux
allume une cigarette
fronce les sourcils
écarte le voile
et la bouche béante
contemple le monde réel.
Il ne respire plus par lui-même.
Chaque palpitation de son corps
correspond à celle du cosmos
qu'il sent fluer en lui
et cette union sacrée
le rend fou.
Une odeur tenace de mégots et d'apparences fumigènes
l'oblige à réintégrer sa carcasse.
Le poète crache un noyau de cerise sur le bitume
soupire profondément
se frotte les yeux en songeant à des formes rétrospectives au-dessus des toits
derrière des ruines
des tentures.
Il a faim.
L'ombre à l'orée de son cou devient jaune.
Il se tâte la carotide.
Sa bouche tète un sein (cafetière renversée)
le chat fait un mouvement brusque
la photo sur le mur dissimule une éclaboussure de cervelle humaine (ou végétale).
Ce qui fut plus jamais ne sera :
cette perspective profonde
le ballet des sirènes (des sorcières)
tout cela et tant de rêves dissous
dans l'acide du temps.
Le poète simule un cri de femme anogarsmique
qui fait sursauter le chat
et siffler la cafetière.
Le sapin de Noël est tout sec
il faudra songer à le brûler
songer à faire un enfant
à écouter le tam-tam des heures creuses contre les tempes
songer à tous ceux à toutes celles
à qui personne ne songe...
Le poète pour qui la femme
n'est qu'un objet virtuel...Vital Bender
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Crépitent les neurones dans une boîte qui ressemble à une boîte crânienne
mais qui n'est qu'une boîte ordinaire
en fer-blanc.
Les neurones sont des haricots secs
à faire tremper dans de l'eau bénite
ou dans de l'absinthe.
Chantent les os des squelettes oxydés
xylophone ou jeu de cloches souterrain :
la musique se faufile à travers les fentes du placard.
Un jour ton ventre sera rond (peut-être)...
et dans la brume de tes yeux si...
de tes yeux ça...
dans la brume de tes baisers
sur la bouche etc...
Crépitent les qu'en-dira-t-on !
L'ossuaire déborde.
Sur le litoral
une harpiste solitaire
joue pour Dieu
pour les naufragés
ou pour les mouettes.
Tranches de vies
tranches d'au-delà...
Célébrer la folie
la fureur
la soif.
Tout !...
Ha ! ha ! ha ! crépitent
crépitent les flaques d'huile
arcs-en-ciel fanés
au bout d'un champ de rouille
ou déracinés
perdus corps et biens
Tout au fond de l'espace
ou de la page blanche.Vital Bender
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De la narine gauche de l'épousée coule un filet vert
de sa bouche
de ses tympans
la nuit
les oriflammes...
Cérémonie nuptiale
s'achève en papillons
sous la lampe cochère.
Symphonie clouée à son temps
loin très loin sous terre
embaumement forcé
de vivants et de morts.
Trois notes piquées
quelques aboiements d'esprits chagrins
la mariée soupire dans sa carlingue
fluorescente
l'hydravion pique du nez
un homme (est-ce l'époux ?)
joue avec des marionnettes
qui semblent idiotes.
Une voix monte d'un poste de radio
sur l'autoroute verticale
où les autos s'enlisent
dans la glu qui ruisselle
de la cervelle conjointe
qui voudrait partir en voyage
sous la croûte terrestre
loin des barbes postiches
des discordes
des amphétamines.
Mais la jeune épouse a soif
si soif :
dans ses artères
se bousculent ombres et flashs
tumeurs et ice-creams
et les notes d'un piano brisé
dansent sous son chapeau
comme des nuées d'électrons.
La télévision crache des images d'acier et d'eau lourde
sous une pluie de bombes
qui ressemble à une chute d'ovaires.
On a décapité la nuit ordinaire à la machette
les prénoms (à quoi servent-ils ?)
les années
les pensées
les saisons
on a...
(que n'a-t-on pas fait ?)
L'époux se sent des ailes
sous son pantalon à pli
qu'il a déboutonné.
Une hirondelle tombe du plafond
sur la moquette.
L'orchestre a volé en éclats
l'homme se tortille dans tous les sens
la femme roucoule dans un coin
fait un signe de croix
s'endort.
Elle n'a plus de trompes
plus d'yeux
plus d'ovaires.
La semence de l'homme coule sur le parquet.
Union libre.
Déflagration.
L'immeuble s'effondre.
Demain sur le coup de midi
on abattra le dernier arbre de la planète.
Sur le coup de midi...Vital Bender
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Tout se confond, là : tranche de gâteau sur le parquet, reflet d'un visage oublié dans la baie vitrée du salon, le domaine des fleurs et celui de la raison, cette tapisserie vaporeuse qui pend d'un pont et l'eau qui gronde et nous éclabousse sans que nous baissions la tête ou que nous pressions le pas mécaniquement ou que nous tentions de nous élever dans les airs. Tout se disloque et se régénère au contact du feu passionnel dans la durée ou dans l'instant (mais ce n'était qu'une mouche, elle se traîne dans la poussière, elle attend son heure et le train s'enfonce dans un tunnel en sifflant oh ma soeur de toute les époques oh mon double effaré sur un dôme qui poudroie dans le lointain ! ...) Depuis peu l'ordre s'établit à partir des tiges de résédas s'épanouissant en tétons diaphanes sous la lune, du reflet de la baie vitrée dans les yeux de la première fille qui passe, de l'eau qui ne désaltère plus, de la sonnerie du téléphone et des pertes de sang localisées et de l'obsession du lendemain. Quelqu'un a marché sur la tranche de gâteau, sur les fleurs, sur la mouche morte, est passé à travers le mur sans faire signe à personne et sans enfreindre aucune loi tacite. Où est la vérité ?
Vital Bender
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Après les marchandages incessants et les joies naïves - femmes dont l'obstination à se soustraire à toute volonté extérieure... femmes dont l'action perce les fumées, espace la durée après ceci ou cela en des lieux que nous avons toujours ignorés ou tenus secrets... (est-ce moi qui parle ?) après les éclats de voix dans les corridors secondaires et les crimes et les étreintes plus répétitives que les vieilles chansons populaires... Après tout... il ne se passera rien... ou si peu de choses... sans compter les promesses d'hier et les réflexions embrouillées sur l'avenir du monde, de la femme en particulier, elle dont la sérénité entaille nos murs, dissout nos anciennes fondations. Nous nous perdrons. Nous nous égarerons. Définitivement. Se rappeler la dernière feuille. Le dernier arbrisseau. La dernière plume d'ange. Oh ! si vaguement... Un peu comme une réminiscence foetale. Qui s'en souvient ?
Vital Bender
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