• On passe un bon moment avec ce Gainsbourg de Joann Sfar. Un film agréable et tranquille entre le traitement poétique et le commentaire psychologique qui se laisse regarder avec le sourire. On aime retrouver les figures de Vian ou Bardot. Eric Elmosnino est hallucinant. On ressort du cinéma avec l'envie de réécouter tous les disques de Gainsbourg et de se dégoter quelque part sa bio. Et c'est plutôt bon signe. Il ne faut pas s'imaginer qu'on apprendra davantage qu'on ne sait déjà plus ou moins sur le personnage. Mais c'est devenu le propre des dernières biographies cinématographiques. Sinon, il y a les documentaires ou les bouquins. Le cinéma permet finalement si peu de creuser - il peut encore raconter des histoires mais cerner une vie... - qu'il lui faut se rapprocher de l'allégorie pour trahir le moins possible.
    Et c'est là que ça devient périlleux et du coup je me suis demandé pourquoi faire un film sur le monsieur... Puisqu'il ne m'a finalement pas transformé plus que ça et même il ne me paraît tenir que par la figure à laquelle il s'intéresse. Si il avait dû s'appeler "Dupont - (vie héroïque)" je doute fort qu'il aurait pu convaincre. En même temps pourquoi le devrait-il puisqu'il ne s'agit pas de Dupont mais bien de Gainsbourg. Qui comme on peut le constater continue de fasciner au point de rendre fascinant un film qui ne le serait probablement pas sans lui.


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  • Je précise de suite qu'il n'y a strictement rien à voir entre Avatar et Sia. Juste eu besoin de replonger dans la fin splendide du splendide Six feet under. Et de le partager. Indépendamment de tout.
    Ca c'est dit.
    Alors Avatar.
    C'est dans le même état d'esprit que pour 2012 que je m'y suis rendu. Sans la moindre attente. La comparaison est à ce point impensable que je suis retourné le voir une deuxième fois. De mon plein gré. Mais en 3D pour changer un peu. Quand même faut pas exagérer... (Je doute que je n'y serais pas retourné malgré tout.)
    Rien n'est laissé au hasard. C'est éreintant. (Réplique volée à un texte de Bastien Fournier que je suis en train de me fiche dans le crâne.) C'est remarquablement construit. Chaque plan fait sens. Chaque détail fait sens. Tout est au service de la narration. Au-delà des effets dont on a abondamment parlé partout, Cameron est un conteur visuel absolument génial. Car il s'agit bien d'un conte et il ne faut pas l'oublier. On lui reproche souvent un canevas convenu, une simplicité éreintée. Mais les contes fonctionnent sous le même canevas depuis des siècles et ce n'est pas près de changer. Et tant mieux. Il faut juste reconnaître les codes. On ne va pas se plaindre qu'un dessert manque de sel. Si on veut du sel on mange des pâtes. Ou ce que vous voudrez de salé. Il en va de même sur le jeu soi-disant caricatural des comédiens (spécialement des méchants), sur une espèce de manichéisme lourdeau pour que de nouveau je ramène au code. Et malgré cela je trouve que Cameron le sublime. Avatar ne se contente pas de conter une histoire pour gosses ou adultes en manque d'émotions mais il joue sur tous les registres. Et pour peu que l'on s'efforce de lire juste un peu au-delà du premier degré d'autres thématiques se révèlent. Il n'y pas qu'un combat entre les bons et les méchants, les animistes et les technocrates, une modération respectueuse et une croissance décadente. Il n'y a pas qu'une histoire d'amour à l'eau de rose (ou plutôt de gentiane). En plus de notre rapport à la nature, à notre Gaïa, il y a son rapport à soi et son corps, à soi et les mondes virtuels, à l'influence de ces mondes sur ce que nous devenons. A notre impuissance physique soudain résolue dans nos avancées technologiques et surtout informatiques. Handicapés derrière notre écran tels le personnage principal, notre esprit peut par quelques clics investir des corps pixelisés, trouver presque immédiatement l'objet de son désir, voyager dans le temps et l'espace comme pas plus loin que nos parents ne pouvaient le faire. Et quel énorme sentiment de frustration et d'impuissance quand le héros se fait réveiller en pleine action, car c'est en dormant (tout un symbole) qu'il pilote son avatar !
    Non, sérieusement c'est un vrai chef-d'oeuvre. Dans un tout autre registre que des films que j'ai pu qualifier comme tel ici. Et c'est vraiment tout à l'honneur du réalisateur. Et les statitiques le prouvent. Bien qu'elles soient incapables de prouver une qualité, elles prouvent un intérêt.
    C'est un conte. Oui. Et c'est sa force. C'est avant tout un conte. Mais un conte large. Un conte qui ouvre ; comme c'est l'apanage d'un conte réussi. Quelque chose qui plante ses racines dans les plus reptiliens de nos fonctionnements et de nos peurs.


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  • Les pays salles d'attente.
    Au-delà de la violence des bidonvilles et puisqu'il paraît que le cerveau fonctionne par associations au connu, j'ai revu cet ennui caractéristique des pays du tiers-monde, quand le désoeuvrement conséquent à l'absence de perspective abandonne les gens dans une passivité sans borne. Attendre comme un Corse antédiluvien l'avènement de la catastrophe, de l'inimaginable qui galvanisera la torpeur en lueur de vie. Il n'y a rien à faire, rien à espérer. Au Maroc où j'ai vécu, des gens s'asseyaient au bord des routes, aux murs des maisons et attendaient. Quoi ? L'occasion. La mort. Ce temps après lequel on court ici, là-bas ils l'écoutent couler. Grain après grain.
    Ainsi si on se prend à rêver, premières démangeaisons de la gangrène, on rêve de partir. "Là bas, n'y va pas" où quand tout est impossible tout paraît possible. Il y a cette fille qui du Honduras devra traverser le Mexique pour passer la frontière et qui croisera le destin de Casper, un jeune Mexicain qui a cédé à la tentation de la mafia pour se sortir de la misère. Le film permet ainsi une incursion dans le cloaque des gangs où les leaders maculés de tatouages vous ragent de dents. Ils ne connaissent de loi que la leur. Casper devra les fuir pour avoir tranché la jugulaire de l'un deux. S'ensuit une chasse à l'homme qui rapprochera les adolescents.
    Le scénario est bien fagoté et palpitant jusqu'au bout. Je garde des réserves quant aux rôles des jeunes filles. Il y en a deux. La première, petite amie de Casper, à cause de qui il commettra son crime et la deuxième, la Hondurienne citée plus haut. Sans doute ai-je oublié à quoi ressemble une adolescente mais quand même, je les ai trouvées particulièrement chieuses. Fières, impulsives, inconséquentes. Bref, à gifler. J'ai donc estimé un peu réducteur de retrouver ces mêmes qualités chez ces deux personnages. Mais sans doute est-ce moi qui ne suis plus dans le coup. Ou qui s'illusionne sur le fait que femmes elles ne sont plus ainsi.


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  • Aventure eschathologique d'un homme et son fils en route vers la mer. Un but. Une creuse raison de continuer dans un monde en ruine où plus rien ne demeure que les instincts primaires. La survie. Pour la plupart à tout prix. Toute forme de vie semble avoir disparu hormis celle de quelques survivants s'étant réunis en clans cannibales pour retarder un inéluctable pourtant de loin préférable à cette existence réduite aux souvenirs.
    L'intérêt du film réside en cela. Ce qui était et qui n'est plus. Il y a bien ces rencontres insanes qui ponctuent une intrigue nivelée à l'image de ce qu'est devenu le monde. Vide et plat. Sinon rien. Même pas l'espoir que les choses puissent reprendre dans un hypothétique avenir. La route est une vaste allégorie de la perte. La perte de la civilisation, des valeurs, d'une morale, des croyances, de la paix, de ceux qu'on a aimés. Pour Viggo Mortensen qui crève l'écran il s'agit de la mère de son fils. La femme qu'il a aimée. Qu'il a perdue. Cette femme pour qui le courage était de disparaître alors que celui de la morale du héros était de continuer, au-delà de la peur et la souffrance, jusqu'à ce que la nature nous désigne.
    Ainsi, cette douleur l'habite jusqu'à l'agacement du spectateur comme une émotion qui l'assurerait d'encore appartenir à un vestige d'humanité. La douleur encore préférable à l'étouffement des émotions. La douleur encore préférable à ce monde-là.

    Combien sommes-nous dans le nôtre à préférer celle-ci aux ouvertures que nous offrent encore la vie ? A choisir une souffrance qui nous paraît plus conforme à la vision que nous gardons de nous-mêmes plutôt que de nous diriger vers des joies qui nous transfigureraient ?

    Malheureusement donc le film traîne en longueur, évite difficilement les poncifs relatifs au genre, les images n'ayant pas la capacité de creuser des abîmes comme j'imagine que le fait le roman de Cormac Mc Carthy dont il s'inspire. Il aurait pu être traité en court-métrage et peut-être gagné en intensité. En tout cas pour moi il était trop long pour ce qu'il avait à dire. Ou trop linéaire.


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  • Faudrait comme pour mon précédent cinémoi suffisamment m'étendre sur un premier film pour ainsi éviter d'avoir à parler du second (quoique ça se soit fait par hasard). Je pourrais aussi en rayer un de mon intention. Il n'a jamais été question de causer de tout ce que je vois. Suffisamment de contraintes en ce bas monde pour savoir éluder celles qu'on peut éviter. Mais je trouve intéressant de poser ces deux objets face à face. Tous deux usent à qui mieux mieux des procédés numériques. Le premier pour réinventer un univers, le second pour accroître son réalisme eschatologique. Le premier pour servir un scénario, le second pour le rendre caduque.

    Terry Giliam nous emmène dans une écriture alambiquée, échafaudée selon les procédés du conte mais où tout ne se résout pas de façon aussi linéaire. Les pistes se brouillent au fil du récit. Et il met à mal les rassurantes classifications hollywoodiennes : d'un côté les gentils et de l'autre les autres. Il fissure tant et si bien les apparences qu'il ne reste rien de bien ragoûtant au niveau des motivations des protagonistes. Chacun semble bien être le résultat de sa volonté, de son ambition ou de son passé. La liberté ne resterait que dans sa capacité à gagner son indépendance. Un soupçon d'innocence me paraît résister chez le jeune apprenti du Docteur, sincèrement épris de sa fille. Au final le récit est dense et multidimensionnel, tout imprégné de cette folie caractéristique du réalisateur.

    Si Terry Giliam peut parfois rendre sa musique un peu surchargée, Roland Emmerich par contre, ne joue que de deux cordes de tout son instrument. La sensationnelle et la sensible. Et s'il maîtrise la sensationnelle nous enfonçant indolents dans nos fauteuils où tous ces effets visuels nous écoeurent jusqu'aux baillements, la sensible est d'un quitch insupportable. J'ai ri à chaque effusion pour être aussitôt saisi de gêne vis à vis des comédiens. Comment jouer ça sans être risible ? Comment ne pas être minuscule, autant dans son jeu que dans sa condition d'être humain devant cette masse d'événements extrêmes. Seul le journaliste indépendant a une attitude tragique vraisemblable (en versant dans la folie). Impossible de gagner un oscar dans un film catastrophe. A moins peut-être d'être un génie. Tout juste possible de sauver sa peau (de comédien j'entends).


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