• Ernst Krenek pour deux raisons. La première parce que comme novembre son atonal travail a cette capacité de me balancer dans des états émotionnels contradictoires, tantôt dans le ping de l'angoisse, tantôt dans le pong de l'exaltation. La deuxième, et bien que cela n'ait rien à y voir, en référence à la Belle et la Bête de Cocteau. J'ai revu le film hier soir. Mais comme il s'agissait d'une version que j'avais téléchargée et que comme vous le savez on ne sait jamais vraiment ce que l'on télécharge le résultat n'était point accompagné de l'univers sonore de Georges Auric mais de celui de l'opéra composé en 1995 par Philip Glass. Musique d'une insistance un peu pesante à mon goût. Lors de sa création, le visuel était projeté avec ses sous-titres. Mon film en était exempt. Autant dire que s'il avait été chanté en Chinois je n'aurais pas fait la différence. Vous imaginez bien ma frustration, quelque peu remédiée aujourd'hui par quelques glanages de ci de là de par le web. Car que d'ambiguïté perdue sans les remarquables dialogues de Cocteau. Ambiguïté sans doute pas étrangère à l'étrangeté, au succès et à la pérennité du film. Principalement pour la figure de Belle. Évidemment l'interprétation est curieuse aujourd'hui, d'un mélo un peu comique. Mais l'équivoque des répliques ouvre des abîmes dans notre inconscient collectif de la femme-fille-mère-prude-dévergondée. Une Belle amoureuse de son bel Avenant mais qui sacrifie son amour au nom du père. Aurait-elle pu sans ce même esprit de sacrifice aimer la Bête au delà de sa laideur ? Ainsi son amour était-il véritablement désintéressé ? Même ses soeurs cupides et égoïstes auraient pu pour d'autres raisons éprouver de l'amour pour cette Bête-là... Bizarrerie qui tendrait davantage à démontrer que dans tout amour, c'est avant tout celui de soi qu'on cherche à travers l'autre.
    A part ça, l'esthétique est splendide. Je repense à cette course de Josette Day (la Belle) à travers les couloirs et les escaliers du château. Ils sont rendus dans un ralenti qui par les mouvements de ses étoffes nous donne un sentiment d'envol... poétique.

    Et là je suis bien content de voir que ce post est bientôt suffisamment long pour pouvoir évincer la dernière partie de mon titre. A boire. De Marion Vernoux. Avec Edouard Baer et Emmanuelle Béart. On m'avait conseillé ce film il y a deux ans quand je devais interpréter un alcoolique. Heureusement que je ne l'ai pas regardé avant qu'il ne soit plus que trop tard. C'est une comédie et ça justifie peut-être cet effet caricature. Pas à mes yeux. Ce film ne raconte plus rien. Il ne parvient même pas à faire rire. Ce qui est un peu dommage pour une comédie. Je pourrais m'en désoler quelques lignes de plus mais heureusement Cocteau a atteint mon quota. :-)


    votre commentaire
  • Après le tohu-bohu  des publicités et des bandes annonces, le générique s'affiche sans musique enserrant la salle dans une torpeur gênée. Les croqueurs de pop corn ne s'intéressent pas au ruban blanc. Ils préfèrent l'artillerie lourde des productions hollywoodiennes. Ou alors ils ont sagement posé leur gobelet pour une occasion plus discrète. C'est à dire 2h30 plus tard après un tout aussi muet générique de fin.

    La couleur est très vite donnée : un noir et blanc épuré rendant aussi bien l'époque que l'ambiance. Epoque pré-première guerre mondiale dans un village quelconque du nord de l'Allemagne encrassé pour toute ambiance dans la pesanteur d'un féodalisme tenace et d'un protestantisme étouffant. Rien ne manque : sévices tolérés voire recommandés par une éducation aussi intransigeante qu'injuste, inceste, mépris, humanité bafouée par la loi du plus fort. La seule qui prévaut en fin de compte. Dont les premières victimes sont les plus faibles, d'abord les plus pauvres et au bout de la chaîne évidemment les enfants. La peur règne omniprésente, entretenue par une cascade d'humiliations reproduites d'échelons en échelons du sommet au bas de l'échelle des privilèges.
    Mais aux tréfonds de l'âme la haine sourd et cherche un exutoire. Le plus communément elle se retourne contre soi-même. Ce qui arrange et huile les rouages de cette société corrompue. Mais parfois aussi elle se reproduit vers l'extérieur par l'intermédiaire de ce seul langage qui semble connu : la violence.
    Aucune respiration. Aucune transcendance possible ici. Haneke voulait dans ce film interroger les mécanismes qui ont nourri le fond humain nécessaire aux deux guerres. Et c'est conduit avec une intelligence et une finesse telles que le tout ne suscite que des questions. Rien n'est élucidé. Même pas les drames qui ponctuent l'intrigue. Si bien que c'est un film auquel on repense. Des indices nous apparaissent par la suite tant sur l'enquête policière que sur la misère d'une époque. Un chef-d'oeuvre.

    Tous ces ravalements ont trouvé leur euphorique libération dans l'extrême violence des guerres mondiales. Que se passera-t-il quand le sud actuel, exploité, humilié et tu recrachera la haine qu'il accumule de décennies en décennies ?


    votre commentaire
  • Et hop, un nouveau clip british. Sont incroyables tous ces gamins. J'ai apprécié l'allégorie que j'ai cru lire dans ce clip. On court de la naissance à la mort. Sortie du tunnel utérin, rencontres de mortels, puis seul face à sa disparition. Brusque. (Ils passent au metropop si jamais)

    On m'avait conseillé "L'incompris" de Comencini, sorti en 1966. Je n'en avais jamais entendu parler. Ne savais donc pas du tout à quoi m'attendre. Quelle baffe ! Le scénario est impeccable, rondement conduit. Les dialogues sont splendides et le casting est parfait. Les enfants sont criants de vérité, les scènes joyeusement vivantes et le tout puissamment touchant. Et aucun de ces adverbes n'est de trop.

    Suite à la mort de leur mère que nous apprenons au début, le père ne croit déceler qu'indifférence derrière les barrières que l'aîné a érigées pour juste moins souffrir. Le film enchaîne des quiproquos qui ne feront que confirmer les préjugés du papa. Pendant que chez le spectateur grandit un insupportable sentiment d'injustice. Pourtant le film n'est jamais mièvre et n'abuse point de sensiblerie. Même on rit souvent tant ces deux enfants sont justes et les situations cocasses.

    De plus l'issue du film laisse nombre de questions sans réponse et on peut disserter longtemps sur les fonctionnements conscients et inconscients, la responsabilité des uns et des autres, les rapports fraternels et leurs limites.

    Bref. Débrouillez-vous pour le voir absolument.


    4 commentaires
  • A nouveau un peu de musique pour parler cinéma. Vieux cinéma déjà puisque le Dardenne dardeur d'amour est déjà sorti il y a plusieurs années. Mais il faut le voir. Je rechignais et repoussais toujours davantage le moment tant les plans rapprochés de la caméra à l'épaule de "Le fils" m'avaient éreinté. Point du tout au niveau de l'intrigue. Toujours pertinente chez les frangins mais bien au niveau du choix esthétique. Et j'avais pas envie de m'infliger ça avec "L'enfant". Mais ce film est un vrai petit joyau et Jérémie Rénier remarquable. Une symphonie à la rythmique parfaitement maîtrisée. Les temps sont étirés sur un fil d'où ils ne basculent jamais du côté de l'ennui. Que ce soit dans la durée des plans que dans celle de la progression dramatique. L'insoutenable légèreté du héros est passée au scalpel des réalisateurs avec on dirait davantage d'authenticité que ne le ferait un documentariste. C'est à la fois lourd et léger, tendre et agaçant. Et bien sûr si le héros finira par accoucher de sa conscience dans la douleur, laissant la morale sauve, le regard n'est jamais jugeant.

    Et hier soir j'ai plongé encore plus loin vers les débuts du septième art avec le monstre des monstres. Je pense évidemment à Charlie Chaplin. J'avais vu "Les feux de la rampe" quand j'étais bien plus petit et n'en gardais qu'un souvenir très vague. Me souvenais d'une histoire d'amour, d'un mec qui se cassait la pipe dans la grosse caisse de l'orchestre et que la fin m'avait beaucoup fait pleurer. Il y avait bien tout ça mais aussi une fine pellicule de déception. Au début. Le doublage est bien entendu insupportable. Surtout les voix féminines. Mais ça ce n'est point la faute du Chaplin. Il n'a d'ailleurs commis aucune faute. Il interroge juste la gloire et la vieillesse, la vieillesse et la gloire. Il passe avec brio du muet au parlant car les discours un peu faits du début, ces hymnes à la vie et au courage se heurtent très vite à la difficile réalité de leur application. Ce qui sauve l'ensemble. Bien sûr je ne critique point Chaplin. Tout simplement parce que ce n'est pas possible. Il a tout inventé. Mais c'est le regard d'un spectateur blasé qui a plus de cinquante ans de cinéma dans le cortex. Ce qui ne m'a pas empêché de pleurer à la fin. Je n'ai toujours pas vu de clown plus touchant.

    Après Fanfarlo, c'est au tour de Bombay Bicycle Club d'ouvrir un cinémoi. De ces géniaux Tommy à peine pubères qui vous pondent des ritournelles à l'accroche infaillible. Ce dernier, je l'écoutais avant d'aller jouer le Cléante du Tartuffe. Je tentais d'y puiser la joie et la légèreté qu'il me fallait.

    Pour Oedipe je sais toujours pas quoi écouter...


    votre commentaire
  • Parfois des chansons qu'on entend tous les jours et qui passent sans qu'on veuille les affubler d'un particulier s'imposent tout à coup différemment. Elles se trouvent l'ornement d'une paire de guillemets.
    Un fond qu'on trouvait insistant nous voyage soudain l'émotion. Une mélodie écoeurante comme des céréales au vin blanc nous surprend en accompagnement, le menton frondeur et un collier de dents dégagé de leurs lèvres. Pire même : avec l'idée que les infranchissables montagnes de la vie ont l'aspect d'inoffensives collines.

    Ou plutôt il est des jours où on a laissé son costume de chair au pied du lit. Où on a l'âme à vif. Où pas plus tard que trop tard on a laissé notre résistance en miettes sur la moquette. La mienne je l'ai laissée sur celle du cinéma où je vis projeté le film cité en titre. La dernière fois qu'un truc pareil m'était arrivé c'était devant Gomorra. Le problème c'est qu'on ne s'en rend pas compte tout de suite. Ça nous travaille en douceur, en toute discrétion. C'est plus tard, avec des comportements comme celui décrit plus haut, qu'on réalise l'ampleur de l'impact.

    Ce film est une merveille de sobriété. Ce qui est le comble du paradoxe pour un film qui parle d'alcoolisme. Le rôle principal est d'éloquente justesse mais ce serait faire préjudice aux autres que de le nommer tant tout le monde sert ses personnages avec finesse.

    J'ai eu une fine trouille dans une des premières scènes quand le héros qui pénétrait dans le centre de désintoxication croisa une jeune fille. Cette scène m'alarma d'une odeur d'eau de rose à venir. Heureusement il n'en fut rien. La jeune fille revint bien mais... shht ne livrons aucun des multiples filons de l'objet.

    Puisque c'est avant tout un film sur la blessure. Sur l'être humain. L'être en vie. Sur les moyens qu'on met en place pour étouffer ce spleen, là, tout au fond. Comme un corps étranger que nous aurions si bien recouvert de "bonne" terre et que nous aurions fini par oublier. Mais qui nous pourrirait de l'intérieur, corromprait cette pourtant si "bonne" terre. Pour qu'elle ne garde du mal qu'une souillure qui aurait perdu son nom.

    Il y a bien les caméras à l'épaule utilisés pour les flash back éthylés qui auraient pu m'impatienter mais pour un film comme celui-là j'aurais passé bien pire.


    10 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique