• Quel bonheur de retrouver les frères Coen après les égarements qui ont suivi les petits chefs-d'oeuvre qui les ont fait connaître. Se laisser embarquer dans le rythme de leur long métrage est pure délectation.

    Si les premiers rôles sont remarquablement portés, les seconds rôles ne sont pas étrangers au plaisir ressenti. C'est un film d'acteurs, un film qui laisse la place de choix au jeu. Les plans sont lents, au rythme chaud de cette Amérique profonde, à la frontière mexicaine. Il est tout imprégné de la torpeur de ces vies engoncées dans un quotidien que presque rien ne peut bouleverser. Les héros sont atypiques. Ce ne sont pas eux qui créent l'intrigue mais l'intrigue qui se sert d'eux. Et de fait ils sont humains... trop humains... vulnérables. Seul le plus déshumanisé saura peut-être survivre.

    Si les dialogues, taillés de telle sorte qu'ils nous appellent à des visionnements répétés, trainent derrière eux questions existentielles, ils ne s'embarrassent pas de morale. Ce qui ne rend pas le film amoral. Bien au contraire. Il porte une morale libérée du juste et du faux. Une morale à la hauteur de notre complexité, à la recherche de notre place en ce monde.

    Que de tels films n'apparaissent pas davantage dans les salles obscures ?! 


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  • Je trouve toujours intéressant de voir le jeu minimaliste au cinéma. Ce jeu tout d'intériorité. Ce jeu qui laisse les mouvements de caméra, les situations et l'ambiance générale remplir l'espace laissé par l'acteur. Ça me rappelle les courts métrages dans lesquels j'ai commencé.

    "Surtout ne fais rien !" (Bon, c'est vrai que j'avais tendance à trop en faire...)

    Le cinéma nous laisse de beaux exemples de gueules uniformes : Charles Bronson, avec ou sans chapeau. Alain Delon, avec ou sans cigarette. Isabelle Huppert, avec ou sans culotte. Car bien sûr je m'autorise toutes les théories subjectives et erronées qui n'engagent que moi et la crédibilité de ce blog... Et si je me permets ce ramassis d'absurdité c'est bien parce que j'ai de la considération pour au moins les trois acteurs que je viens de citer.

    Dans le cas d'Irina Palm, il me semblait sentir la direction d'acteur flottiller par dessus la prestation de Marianne Faithfull, je la sentais un peu coincée... Et j'ai eu le sentiment que la couleur générale, malgré l'évolution lumineuse du scénario, restait enfermée dans l'espèce de gris mouillé du début. En fait, son jeu me paraissait un peu décalé par rapport à l'histoire comme à celui des autres comédiens. Très bien mais un peu décalé.

    Bref, juste ces quelques mots pour faire le malin parce que ça ne m'a empêché le moins du monde de rentrer dans cet univers, de souhaiter un dénouement heureux, (je dis plus de chialer parce que je réalise qu'avec le nombre de fois que je le fais ça ne veut plus rien dire...) de m'amuser de ce côté conte de fée dans lequel vire le scénario. Et de ressortir de la salle tout aussi de bonne humeur que je l'étais en rentrant.

    C'était un très bon moment de cinéma, autant pour la réflexion qu'il a permise, que pour le film en soi. Un chouette moment dans ce monde de brutes.


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  • Journée idéale pour revenir sur ce film dont j'ai été frustré du commentaire ce dimanche passé. En fait je n'avais pas saisi, sur l'instant, à quel point j'avais fait corps avec le sujet. J'ai vécu la censure des dictatures en direct. Et c'est le veto que blogg m'imposa aujourd'hui qui me mit sur la piste. (Car il semble bien que la panne soit réparée.) Nous nous imaginons toucher du doigt le village global par l'infini biaisé de la toile pour nous apercevoir en être les marionnettes inconscientes. Et tous ces moteurs qui gèrent nos publications ont ceci de bien plus pervers qu'ils nous imposent leur loi de manière purement arbitraire.

    C'est d'ailleurs tout à fait suite à leur influence si cette promenade autour de "La vie des autres" ne ressemble en rien à celle qui la précéda dimanche et qu'on euthanasia sans vergogne. Je suis un être manipulé...

    Tout comme vous tous en général ou ces personnages de "La vie des autres" en particulier. Y a-t-il une seule personne sur cette terre qui à aucun moment n'ait à subir une influence quelconque ? Nous sommes toujours plus ou moins soumis au cadre dans lequel nous évoluons. Ou tentons d'évoluer selon le cadre qui nous conditionne. Aïe, aïe, aïe. Et là il faut bien avouer que nous sommes foutrement bien lotis. Même si notre évolution n'est en fait point la nôtre propre mais celle de l'air du temps. Nous pouvons nous targuer de (l'illusion de) la liberté.

    Donc les personnages de "La vie des autres" sont magnifiquement bien interprétés dans leurs rôles de anti-héros ou de héros ordinaires... Affolant de constater notre responsabilité sur l'état actuel de notre monde ; il suffit bien d'un nombre suffisant d'adhérents à une idée pour qu'elle devienne la norme. Norme qu'il faudra bien sûr maintenir à tout prix et contre vents et marées puisque zut on y a adhéré quoi, et que c'est tout autour d'elle qu'on a construit notre vie... Réjouissant de constater que si nous sommes responsables de nos erreurs, certains murs ont quand même pu tomber (le scénario déroule son fil à Berlin est avant la faillite de l'empire communiste.). Et que du coup il n'y a pas de raison que ces autres murs, sur lesquels nous nous écorchons les doigts, ne cèdent pas à leur tour.

    Si le principe de la norme fait la part belle à l'esprit ultra-libéral qui caractérise notre société d'aujourd'hui, il n'y a pas de raison qu'il perdure indéfiniment ou jusqu'à ce qu'il se soit mangé lui-même.

    Point de victimes dans ce film car même les bourreaux sont victimes d'eux-mêmes. Bien sûr il y a toute l'arrogance du pouvoir. Il y a ce sentiment d'injustice qui nous prend aux tripes grave. Mais ce n'est pas un pouvoir qui rend heureux. D'ailleurs personne n'est heureux dans ce film. Tout évolue dans ce même gris que celui du ciel. Ciel en rideau de fer. Que des souffrances. Souffrance des droits bafoués, de la suspicion permanente. De ces sentiments sur lesquels il est impossible d'agir. Des ces rêves qu'on croit dépendre des autres.

    En tout cas "La vie des autres" est un film à voir. Un moment béni qui nous laisse tout remplis quand les lumières se rallument.


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  • C'est bien seul que j'y suis allé.

    Et cette tentative de conjuration n'a pas donné les résultats escomptés :

    C'est toujours seul que j'en suis sorti.

    Je crois que ma maigre intro ne laisse planer aucune équivoque sur mon envie de parler de ce film. Donc je ne dissimulerai pas davantage, il ne s'agit que d'un prétexte pour parler de moi. Une fois de plus. Non que ce film ne m'ait pas plu. Au contraire, c'était un bon moment. A deux exceptions près j'avais le cinéma pour moi tout seul et j'ai pu m'abandonner à tous mes épanchements. Seulement, en ai lu une critique qui vaudrait toutes les miennes. Pourquoi surenchérir ?

    D'ailleurs si je fouille je me demande bien pourquoi j'aurais mis une rubrique "cinéma" si ce n'est pour parler de moi. Parler de soi n'est-ce pas le propre du blog ? En tout cas il me paraît bien que c'était une conclusion récurrente à mes premières interrogations sur le thème. Si le journaliste fait une fausse profession de foi en se prétendant au service de l'information alors qu'il se trouve dirigé de gré ou de force au service d'un marché, je ferai une vraie profession de foi et faisant acte de moi. Il est vrai que si je savais comment les faire évoluer, je pourrais me mettre au service de mes statistiques. Mais cela ne remettrait pas en question mon acte de moi. Tout comme une péripatéticienne qui par acte de foi ne se ferait pas payer en faisant profession d'elle n'en demeurerait pas moins une péripatéticienne. Les statistiques ME concernent autant que mes textes. A moins qu'il ne me faille devenir objectif. Ce dont je n'ai pas l'intention. Pas gratuitement du moins. Car comme on l'a vu plus haut, si les hommes (j'inclus les deux sexes parce que sinon ça devient trop compliqué et comme vous avez déjà pu le vérifier, je fatigue pas mal) se damnent c'est pour un marché... Mais la pertinence de ce comportement est un autre débat sur lequel nous aurons certainement l'occasion de nous étendre un autre jour.

    Revenons-en quand même à "Ensemble c'est tout" car parlant de moi uniquement par moi je ne saurais que démontrer une personnalité plutôt décousue. Et ça m'inquiète.

    Parmi tous ces comédiens ayant la chance d'être ensemble c'est tout (et c'est déjà pas mal) il y avait la mémé : Françoise Bertin. Françoise Bertin n'eut rien à faire. Sa présence suffit. Sa vieillesse suffit. Suffit en tout cas aux émotions dont je veux vous faire part. La détresse des vieux est pareille à celle des enfants. C'est la détresse des humiliés, des faibles, des sans défense, des impuissants. Et pire que pour les enfants : c'est la détresse des "has been". 

    Bien sûr je n'ai pu éviter le rapport à la mère. A la mienne en tout cas dont l'âge est très proche du sien. Et en la voyant c'est elle que j'ai vue. En la voyant j'ai réalisé à quel point ma mère devenait âgée. La promiscuité ne permet pas de se rendre compte de ce genre de choses. Ou ça nous arrange de les oublier. De nier ce passage de l'indépendance à la dépendance. Parce que ça ne fait pas partie de nos projets. Parce que ça démange notre égoïsme.

    Pas besoin de tristesse ni de malheur. Juste les articulations qui rouillent, l'attention qui diminue. L'humilité de l'acceptation et la porte de la mort qui devient plus nette à mesure que la vue baisse. Juste tout ça pour nous dire que bientôt le pas sera fait. Bien plus vite qu'on ne le pense. Juste un film pour me dire qu'ensemble c'est tout ça ne dure pas et qu'il faut savoir goûter tous les instants, en brader le minimum. Et c'est pas mal pour un film. Même si je ne fais acte que de moi. :-)


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  •  Y a pas très longtemps mais quand même avant que je sois né et pas très loin d'où je suis né, des gens, pourtant pas plus mal intentionnés que moi à l'instant où je tapote ces quelques mots, se sont cognés dessus très fort et souvent jusqu'à ce que mort s'ensuive. L'épisode relaté dans le film de l'ami Clint ne s'est pas tout à fait déroulé à deux pas mais à l'heure du village global où tout le monde est chez soi partout (plus de quête territoriale, plus de pétrole, plus d'armes de destruction massive, plus d'inégalité de fortune, plus de propriété, plus de faim, plus de comparaison, plus de compétition...) et où plus personne n'est assez fou pour s'abîmer la tronche à coups de bombes ou autres objets dangereux ça ne fait aucune différence non ?

    C'est sympa ces films de guerre qui rappellent comme ça à nos petites fesses engoncées dans des fauteuils moelleux qu'un jour les gens ne s'entendaient pas toujours tout le temps sur des sujets bénins qui la plupart du temps échappaient d'ailleurs à la majorité des acteurs de ces franches joutes guerrières. Ah ! ça devait être haletant de savoir qu'on allait mourir tout soudain, frappé par quelque facétieux congénère connu ni d'Eve ni d'Adam. On devait se sentir vivants à l'époque où de telles opportunités étaient encore proposées. Ces montées d'adrénaline tout pour rien. 

    Aujourd'hui, il nous reste le cinéma.

    Bon c'est vrai que des fois au bout de deux heures un inconfort peut saisir nos articulations. C'est vrai qu'il est pénible de retenir un pet dans une salle comble et que les contorsions auxquelles on se voit contraint pour le laisser filer en toute discrétion tiennent des plus subtils camouflages guerriers. C'est vrai aussi qu'une quinte de toux rend tangible le fait que les velléités belliqueuses de l'être humain ne sont pas si profondément ensevelies que ça.

    Reste que, malgré ce que peut laisser planer mon humour douteux, le film est magnifique. Rien à dire. Pas de généralisations. Que des êtres humains. Du Clint de grand talent qui a mené tout ça avec intelligence et savoir faire. La fameuse musique redondante usée avec parcimonie. L'absurdité de cette entreprise de feu et de sang démontrée avec finesse et humanité. Sauf peut-être les flash-back. Les ai trouvés un peu démagos les flash-back. Et y avait sûrement des tas d'autres trucs démagos mais comme suis dans de fragiles dispositions émotionnelles suis très indulgent.

    Ai préféré cet opus du diptyque au premier qui m'avait un peu agacé et dont j'ai pris l'image clé. Conclus amusé d'avoir parlé hier d'el topo pour en trouver le soir même l'illustration. Ces taupes enfermées dans leurs galeries mourant dès leur apparition aux feux du jour. 


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