• Une mouche dans l'oeil gauche :
    il l'écrase d'un coup de poing.
    Il ne sait pas encore que ce bourdonnement obsédant provient de ses nerfs
    tout comme il ignore la raison qui le pousse à cracher sur son miroir
    comme on quitte la femme qu'on aime au moment de la pénétrer.
    Il ignore la raison qui l'a poussé ce matin à cracher sur le visage de la femme qu'il aime
    au moment d'entrer en elle
    à la seconde où elle lui criait : viens !
    Il a fait ce qu'il avait à faire.
    Une mouche dans chaque oeil :
    il ne voit plus rien !
    Il voudrait pénétrer à l'intérieur de son miroir.
    Il voudrait qu'une femme l'effleure de son sexe virginal
    un matin dans un aéroport.
    Son avion s'enfoncerait dans la mer.
    Entre les cuisses de chaque femme sommeille un océan rouge
    comme des entrailles de mouche écrasée sur un tapis.

    Vital Bender


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  • Nue sous le regard des foules qui se dispersent
    au fond des brasiers anonymes
    - soeur des épis de lune et des cafards crevés -
    nue sous la caresse de toute présomption
    que l'on rejettera peut-être un jour
    un jour pareil à la fin d'un été d'un prodige
    nue sous le piétinement de ces mêmes foules
    sous la brûlure de ce même feu
    sous l'étreinte indésirée
    - soeur des sources perdues
    des fossiles marins
    des scorpions -
    nue dans un creux de roche invisible d'ici
    soeur des longs serpents de phosphore
    dans la nuit ou dans un simple détail
    nue parmi d'autres créatures parfaites.

    Vital Bender

    Jacques Tornay continue sur le site d'Alain Bagnoud son hommage à Vital.
    Pour ceux qui n'auraient pas lu le début. Il est i1i et i2i.

     


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  • Pénétrer dans la zone interdite de la tendresse des morts qui s'étreignent dans leur boîte... Aspirer à ces joies sans mesure qu'un souffle disperse et prendre conscience de la porosité des êtres et des choses. De cette présence au-delà de toute vision éclatée. Tam-tam souterrain annonçant le retour aux sources de la mémoire. Je vous parle de paradis perdu, d'immortalité... Les morts se caressent entre eux. Jouissent. Jouent aux dominos. Contemplent la partie creuse de l'univers. Les vivants s'étreignent dans leurs boîtes vitrifiées dont les parois se liquéfient au soleil. Les vivants et les morts ont les mêmes sursauts d'abandon. Les mêmes pulsions incontrôlées. La même angoisse rouge. Le même besoin de sentir que leur demeure leur appartient. Où va le monde ? Où allons-nous ? Monter ou descendre d'un étage... S'allonger sous les pierres muettes ou crever le dernier plafond à la fin d'un jour de plus ou de moins... Et les yeux clos, rêver... rêver à cette étreinte ultime à laquelle nous n'aurions de toute façon jamais succombé. Et les lèvres enfin scellées, improviser des poèmes d'amour pour les plantes et les pierres qui jusqu'au bout partageront notre dernier sommeil.

    Vital Bender

     

    Alain Bagnoud vient de publier en deux parties (1 et 2) un texte de Jacques Tornay sur Vital Bender.


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  • Le sable a pénétré nos âmes et nos bouches
    le vent tout emporté de nos fumigations.
    Voici l'heure de ta trace sur les blés crissants
    l'heure de l'évaporation définitive.
    Ceux qui affirment que la poésie n'a pas de sexe sont des fous !
    (Qui affirme quoi ?)
    Que d'heures douces de ma vie n'ai-je passées
    à savourer tes épanchements périodiques au fond d'un nid chaud !
    Ceux qui affirment que le chagrin des femmes ressemble à un éclat de saphir ont raison:
    (Qui a tort ? qui a raison ?)
    Paix des morts ! Feu à volonté !
    Je connais des cadavres plus vivants que chaque individu pris à part dans une foule en délire...
    La poésie est un organe de trop une greffe ratée une fiente d'oiseau sur un fragment d'étoile morte.
    (Pour ôter de ma bouche
    le goût de la clope et du hasard...)

    Vital Bender


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  • Je contemple des débris sur la moquette.
    Tête éclatée !
    Mais c'est le monde qui a volé en éclats !
    Partout des débris et des fragments
    fragments de crâne fragments de miroirs de pendules
    fragments de mon être
    fragments...
    Eclaboussures de cervelle
    contre les murs...
    Fin du cauchemar !
    Je t'aime !
    Brisures ! fêlures !
    Ne cours pas si vite !
    Que fuis-tu ?
    Reviens !
    Laisse-moi te contempler encore sur cette moquette
    qui a gardé la fureur de ton corps dans ses plis.
    Laisse-moi encore dévorer tes vers luisants
    ceux qui s'écoulaient de tes narines
    de ta bouche
    de ton sexe
    grappiller entre les poils de ton pubis qui se dresse
    les poux de ton plaisir.
    Pourquoi cours-tu si vite ?
    Qu'est-ce qui est si loin ?
    et si proche de ta vérité ?
    De qui est-ce que je parle ?
    Toile lacérée de coups de couteau !
    Poème au ruisseau !
    Statue brisée !
    Mon amour !

    Vital Bender


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