• Solitude de l'artiste
    du paria du maudit...
    Vincent je te rejoins sur ton île flottante.
    Les yeux de tes pinceaux me regardent si fixement
    que mon être se dissout
    comme un peu de couleur dans l'eau claire.
    Fétu fragment poussière
    dans la tourmente purificatrice...
    L'eau ruisselle suinte de partout
    la neige fond entre les nerfs les fibres
    le printemps tarde tarde cependant
    ou alors c'est un autre printemps
    un printemps d'écuelle de chien
    de pinceaux crucifiés de couleurs mutantes
    d'oripeaux rongés par les mites
    un printemps qui me renverse
    me poignarde dans le dos
    et m'achève d'un long rire aigre.

    Vital Bender


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  • Longtemps j'ai songé à t'offrir - pour toi ou pour ton regard qui semblait si vide - l'éclat et la tiédeur de la première neige pour la peau et pour les yeux mais tu détournais les tiens en riant ou en te forçant à rire et je ne songeais plus à rien qu'à éprouver pour moi-même l'incommensurable, l'éphémère. On n'apprend rien, on ne sait rien, une cigarette pend continuellement à ma lèvre depuis que je repense à toutes ces minutes, ces joies, ces ports, ces attaches, une cigarette qu'il ne me vient même pas à l'idée d'allumer car tu ne fumais pas, pas encore. Aujourd'hui, tu dors, tu te jettes là où tu es, n'importe où, tu te laisses engloutir par le sommeil, ta vie est un engloutissement perpétuel, j'allume ma clope, j'ai inventé cette histoire pour ne pas avoir à l'allumer trop tôt, mes cheveux poussent à l'envers et dans la verrière au-dessus de ma tête, je t'entends rire ou faire semblant de rire (de quoi ? de tout !), j'écarte un rideau, tu apparais, mes cheveux tombent la nuit et repoussent la journée, la verrière est un morceau de sucre dans mon café, le chat (ai-je un chat ?)... je n'ai pas de chat..., je vois des poils partout, sur mon oreiller, à chaque extrémité du vide, entre les lignes de ce poème et je songe, oh je songe à certaine partie de ton corps (bien sûr !). Le soleil est une boule de poils lumineuse, les étoiles sont des bogues velues éclairées de l'intérieur. J'ai jeté mon coeur au ruisseau, ce n'est pas vrai, qu'est-ce qui est vrai ? qu'est-ce qui m'empêche de le faire ? simplement je voudrais disparaître, vivre sous la terre, creuser, creuser, vivre à l'intérieur des murs, des troncs d'arbres, ignorer l'espace, ignorer le commencement et la fin, ignorer ces visages penchés sur le mien et qui déjà s'embuent doucement.

    Vital Bender


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  • Quand la voix claire a résonné dans ce couloir qui n'a pas de fin
    le poète a ouvert lentement les paupières et il a vu - oh il a vu tant pis si vous ne le croyez pas ! ...
    il a vu la femme originelle enfanter le soleil de sa bouche
    la tempête se lever entre ses cuisses ouvertes sur un horizon sans limites.
    Le blé coulait devenait lui-même paysage.
    Le paysage s'écartait devant la femme
    qui s'avançait vers un arbre solitaire.
    L'arbre et la femme s'aimèrent.
    La maison entière prit feu.
    La femme ensemencée roula sur le sol aride
    où le poète sans esprit l'aima à son tour.

    Vital Bender


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  • La femme que j'aime a les seins plus doux qu'un jet incessant de pétales
    vers le ciel d'automne cramoisi.
    Nous sommes de ce temps-ci (et d'aucun autre) !!!
    J'allume une cigarette en imaginant que ta soeur a des règles plus abondantes qu'un rayon
    sur ses lèvres enfantines.
    Qu'elle me montre son globe lumineux en retroussant sa lèvre.
    Que nous nous aimons sur un tapis roulant.
    Que le réchauffement de la planète
    est dû à notre immunité et à notre insouciance.
    La femme que j'aime a la douceur des roses blanches
    leur tiédeur égratignée.
    Ne me demandez pas s'il est possible
    de survivre à cette intuition.
    Et je ne sais plus si c'est toi l'unique l'ineffable ou si c'est une autre
    si c'est à toi ou à elle ou au monde entier que je m'adresse
    alors que je devrais déchirer cette page !
    je ne sais plus m'émouvoir d'un rien
    d'yeux clairs
    d'yeux fraternels
    qui se cherchent obstinément dans la réalité et peut-être aussi dans le rêve
    quand le volcan s'est réveillé à l'intérieur du sang
    que le corps entier n'est plus qu'une irrésistible secousse.
    Oh ma soeur que j'ai abandonnée à des chimères sans issue
    poursuis ta route avec au fond des yeux l'éclatement la scission
    la désintégration permanente
    et tu n'auras plus jamais froid !
    Tu éclaireras ta propre nuit de tes fumigations diamantées.
    Nous retrouverons-nous nous reconnaîtrons-nous un jour au bout tout au bout de cette route
    au bout de cette comédie ?
    Vois-tu
    je ne m'accorde plus le temps
    de me jeter sur un lit de feuilles
    d'y mourir une heure
    un instant
    afin de renouer avec la saison qui fut tienne.
    Soeur des ombres claires et des bleuissements
    soeur des lunes en éventail sur la mer
    soeur des orques et des récifs coralliens
    soeur des reflets d'épouses dans les flaques d'eau
    soeur des jardins en friche et des feux de broussailles
    soeur des éclaboussures de nuit sur une nappe blanche
    oh ma soeur clouée à ce tronc centenaire
    qui n'a gardé que tes initiales
    qu'une égratignure...

    Vital Bender


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  • Mes cheveux ont blanchi jusqu'au dernier en une nuit
    mais je ne suis pas fou
    non je ne suis pas fou !
    j'habite un trou de mémoire perdu dans une vie quelconque.
    L'eau que je bois est une eau joyeuse
    elle court entre les plis de roche
    comme elle je me sens libre.
    La nuit qui me tient chaud est pareille
    à la première nuit du monde.
    Le silence qui me gouverne
    contient tous les échos.
    L'aube qui point entre les branches basses
    me convie à toutes les fêtes.
    L'horizon est partout en moi.
    Le temps recule l'espace
    jusqu'au seuil de l'instant
    et l'instant dit-on est éternel.
    L'ordre s'inscrit dans les pierres
    la présence dans l'appel
    du jour à venir.

    Vital Bender


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