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Par libou1 le 7 Août 2009 à 19:20
C'est un jour comme un autre.
La mère de ces petits enfants (elle a perdu la raison) du matin au soir lance des morceaux de pain à des oiseaux imaginaires.
Un homme sur un banc ne la quitte pas des yeux.
Fait semblant de lire le journal de la veille entre deux averses.
Porte un chapeau de paille rongé par les chiens errants et les intempéries.
La femme tour à tour chantonne pour elle-même entre ses dents pointues et converse à sa façon avec les volatiles.
L'homme sort un harmonica de sa poche.
Encore une de ces vies à oublier avant même de l'avoir vécue !
Encore un de ces mouchoirs crasseux dans lequel on mord par dépit ou par habitude
ou par passion.
Depuis plus d'une heure la jeune femme demeure prostrée dans son laps de temps.
L'allée est vaste comme un ciel dont on a perdu conscience.
Il ne faut plus me parler d'oiseaux (d'oiseaux d'oiseaux d'oiseaux !...) pense-t-elle en grattant le sol de ses doigts trop fins.
Un enfant détale aussitôt.
Un autre essuie une larme en regardant sa mère sucer un petit caillou blanc.
L'homme jouit du spectacle.
Les jours ressemblent aux jours ressemblent aux jours ressemblent... pense-t-il en enveloppant son harmonica dans un mouchoir sale.
La pluie redouble:
Le deuxième enfant se met à courir.
Court court vers sa mère.
Vers la cristallisation du vide.
L'homme soulève son chapeau.
Un oiseau s'en échappe.
Puis un autre.
Un autre encore...
L'enfant le regarde ébahi.
A demain dit l'homme.
Et il s'en va.
La main dans son journal.
Le journal sur le banc.
Le banc dans son chapeau.Vital Bender
12 commentaires -
Par libou1 le 5 Août 2009 à 19:55
Je sors d'un café en ruine
laissez-moi je n'ai plus de tronc
plus de tête
je vacille
me désagrège lentement
dans la lumière très douce
très pure.
Le monde autour de moi
poursuit tant bien que mal
son extraction
hors de sa béance rouge.
Je l'ai poussée cette porte
comme un supplicié
ou un cadavre
je suis resté debout
parmi la foule visqueuse
qui n'avait d'yeux
que pour ton masque
ton masque rouge.
L'air est saturé de pollens
des gosses hurlent sur un trottoir
de l'autre côté des murs
de l'autre côté des sons
de l'autre côté du temps
et de la blancheur.
Je voudrais tatouer ton coeur
partout sur ma peau
sur des fragments de ciel
sur les mers du sud
sur la structure de la nuit
de la nuit rouge.
Des morts rampent le long des façades
laissez-moi
je n'ai plus de bouche
plus de sexe
plus de raison...
Un chien traverse la rue
un bossu rit aux éclats
un aveugle tire sur sa clope
avec de brusques sursauts
d'homme châtré.Vital Bender
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Par libou1 le 10 Juillet 2009 à 13:01
Le feu atomise l'espace
nous avons des os des viscères
de longs poils en toutes saisons
des écailles pour capter la lumière.
Nos enfants jouent avec des têtes de morts
qu'ils lancent pour faire tomber des quilles
sur une passerelle flottante.
Le feu consumait nos consciences rétives.
Nos femmes étaient toutes frigides
cependant
elles savaient se laisser aimer
quand nos bouches goulues
entre leurs cuisses
crachaient de petits poissons.
Le feu dégorgeait des ruelles
que nous arpentions avec tout notre passé
nos têtes chauves
nos soucis majeurs.
Nous poursuivions à l'infini
tant de visages perdus
visages bleuis
visages de femmes...Vital Bender
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Par libou1 le 9 Juillet 2009 à 13:03
J'ai écrasé le chien
dans le cendrier
la cigarette aboie tristement.
Ta main fixe écarte un rayon
sous les feuilles
sous des lambeaux d'heures
ta main qui savait aussi se fondre
dans le paysage
été comme hiver
quand je hurlais à la mort
pour conjurer cette obsession de la joie
cette obsession de l'amour.
Alors je devenais moi aussi invisible
je disparaissais sous la terre
tu tombais aux pieds de la perfection
en l'accusant de tout ton corps
et elle t'écrasait les mains
dans une écuelle.
Aujourd'hui tes doigts se faufilent
entre d'autres formes embuées.
Le chien est mort : il s'est éteint
comme un cigare
sur le bord d'une assiette.
Je ne fume presque plus.
J'aboie à sa place
quand tu me prends sur tes genoux
pour me consoler (oh si peu !)
de n'être point parfait.Vital Bender
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Par libou1 le 8 Juillet 2009 à 21:21
Mais aucune page ne restera indéfiniment vierge.
Les chevaux piaffent d'impatience à divers points de cet horizon quadrillé
et dans une marge fictive
et dans chaque petit carreau
brille
une constellation d'yeux porcins.
Le poète écarquille les yeux
allume une cigarette
fronce les sourcils
écarte le voile
et la bouche béante
contemple le monde réel.
Il ne respire plus par lui-même.
Chaque palpitation de son corps
correspond à celle du cosmos
qu'il sent fluer en lui
et cette union sacrée
le rend fou.
Une odeur tenace de mégots et d'apparences fumigènes
l'oblige à réintégrer sa carcasse.
Le poète crache un noyau de cerise sur le bitume
soupire profondément
se frotte les yeux en songeant à des formes rétrospectives au-dessus des toits
derrière des ruines
des tentures.
Il a faim.
L'ombre à l'orée de son cou devient jaune.
Il se tâte la carotide.
Sa bouche tète un sein (cafetière renversée)
le chat fait un mouvement brusque
la photo sur le mur dissimule une éclaboussure de cervelle humaine (ou végétale).
Ce qui fut plus jamais ne sera :
cette perspective profonde
le ballet des sirènes (des sorcières)
tout cela et tant de rêves dissous
dans l'acide du temps.
Le poète simule un cri de femme anogarsmique
qui fait sursauter le chat
et siffler la cafetière.
Le sapin de Noël est tout sec
il faudra songer à le brûler
songer à faire un enfant
à écouter le tam-tam des heures creuses contre les tempes
songer à tous ceux à toutes celles
à qui personne ne songe...
Le poète pour qui la femme
n'est qu'un objet virtuel...Vital Bender
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