• Part de nuit, part de rêve... Part de toi. Qui m'est due et que je revendique. Comme je revendique la poussière. L'enfer... Ou le paradis recomposé pour tes beaux yeux. Toute la douleur humaine concentrée en une seule secousse. Le cycle des départs, des retours. La tendre frénésie des heures qui gouttent, qui n'achèveront jamais leur chute (à quoi bon ?). Si tu te manifestes, la saison se retrousse comme une vieille peau et je me transforme en chouette que l'on clouera au-dessus d'un porche usé par tant de pas humains que...(je ne sais plus...) Part de raison ou de déraison. Part de folie douce entre ces murs dont j'ai perdu conscience. Démon ! Oh magie des rubans qui s'enroulent autour de tes cuisses entrouvertes là-bas... magie des longs serpents de lune qui se déroulent de ton pubis aux étoiles... J'ai faim ! Ma bouche tète un sein de morte sur une grève couverte de petits poissons. Tout ce qui appartient à ce corps me nourrit et me nourrira ma vie durant jusqu'à ce que je devienne moi-même aussi raide que ce crustacé sur le sable ardent à travers les rétines de la mort. Qu'est-ce que cette garce de vie nous apporte sinon cette fièvre, sinon cet état grumeleux de cette vie passagère à la Vie rompant avec ce cycle des retours et des non-retours et des saisons fanées et des bruines, oh saisons dont je ne puis parler sans un pincement au coeur, oh visages condamnés à s'éteindre comme des lucioles dans cette part de jour que je n'ai jamais songé à revendiquer (mais qu'est-ce que vivre ?) quand je vois tant de corps se lever et poursuivre leur pérégrination coûte que coûte... quand toutes ces morts se refermeront comme des huîtres sur des perles plus incertaines que l'essence même de nos vies et de nos morts successives... Je me retourne. Tu es là. Faite de jour et de nuit. Faite de vies et de morts acquises et revendiquées. Rien ne change. Rien n'est immuable. J'ai appris à te regarder sans baisser les yeux. Part d'enfance et de source. Part de moi-même plus précieuse que ma propre vie...

    Vital Bender


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  • Premier papillon de l'année derrière la vitre, reflet du globe lumineux : présage qui m'entrouvre tous les confins. Dans une chambre sans murs, sans fenêtres, un enfant regarde la mer et son émerveillement est pareil à ce reflet, à ce voltigement effaré, à ce signe... Pareil à cette part de nuit claire qui me revient quand j'ai abjuré ce que j'avais à abjurer, quand j'ai accompli ce que j'avais à accomplir, mais je ne sais plus quelle part, mais je ne sais plus quelle nuit et je n'ai jamais rien fait qu'attendre (une créature quelconque, une inspiration incontrôlée, un effet de style, une trombe de soleils dans ma tête, un vieux rêve qui se dresserait soudain entre mes yeux et la mer) et je suis cet enfant, cette lueur, cette chrysalide échouée à l'intérieur du globe lumineux, à l'intérieur du reflet, à l'intérieur de cette vitre striée d'atroces rainures comme si des griffes ou des serres d'oiseau s'étaient acharnées contre elle. Je reprends enfin conscience. Mes doigts saignent. La lune est ronde dans l'embrasure du cette fenêtre dont j'ignorais l'existence.

    Vital Bender


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  • Mon amour...
    (C'est peut-être la première fois qu'un poème commence par ces mots : mon amour...
    c'est peut-être aussi la dernière...)
    Il est encore trop tôt.
    Les mots sont bien trop friables.
    Les mots sont des débris d'écorces
    flottant à la surface de nos désirs.
    A la surface de nos sentiments refoulés.
    Ce paysage a la fièvre.
    Je marche à l'aveuglette.
    Mon amour... Je marche... Où es-tu ?
    Il se peut que tu ne te souviennes de moi qu'à travers cette apparence de ruines de formes de profils sans relief.
    Il se peut que je ne me souvienne de toi qu'à travers l'oscillation de ton éloignement.
    Il se peut...
    Mais la parole n'est qu'une reproduction d'organes à vif.
    Un leurre tendre...
    La parole nous cloue à des poteaux de circonstances.
    Et tu es là vulnérable éternelle.
    J'ai tracé autour de toi ce cercle à l'intérieur duquel je ne puis pénétrer qu'au mépris de ton chant et de ta raison.
    Au mépris de ta liberté.
    Mon amour...
    Mais j'ai déjà trop parlé.
    Retour à la parole unie.
    La parole avant sa dispersion.
    Qui est aussi ce chant.
    Mais saison fugace.
    Ma liberté.
    Mon amour...
    Te dire : tu es déjà si loin.
    Ou l'écrire seulement...
    Entre deux sanglots.
    Entre deux cris de joie.
    Ou de stupeur.
    Entre deux piétinements fous.
    Sous la lune ronde.
    Au fond d'un puits tari.
    Sous le soleil au zénith...
    Au fond des choses mortes.
    Au fond des cassures.
    A l'intersection de tous les rayons éclatés.

    Vital Bender


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  • Miroirs brisés.
    Plus le souci de vivre.
    De compter les heures qui tombent
    dans un bol rempli à ras bord
    d'eau de vaisselle et de larmes.
    Plus le souci de rien :
    les étoiles filantes dans leur gangue bleue
    les visages derrière leurs barreaux
    les souvenirs comme des raclures de vide.
    L'offrande insoupçonnée.
    Ce corps ou un autre corps.
    Les lignes de la main.
    Les tarots.
    Toutes les partances.
    Le coeur qui se craquelle
    après les accords factices
    les ascenseurs en panne
    les accaparements de toutes sortes.
    Le coeur qui vole en éclats.
    Comme ce miroir.
    Comme ces murs glauques.
    Comme cette vie.
    Moins la raison.
    Moins le mépris.
    Comme ce matin qui voudrait retourner à la nuit profonde.
    Comme des yeux qui se cherchent
    au milieu d'une foule hystérique.

    Vital Bender


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  • Tout ce bois mort pour rien.
    La chaleur se vit dans les tripes.
    J'ai l'abdomen fugace
    et la langue de bois vert.
    Déflagration !
    Chapeau de travers.
    La vie se mord la queue.
    La vie...
    J'éternue.
    Un souffle attise le brasier.
    C'est toute ma vie qui part en fumée.
    La sonnerie du téléphone
    retentit dans mon encéphale.
    Je décroche celui-ci.
    Cette voix à l'intérieur de mon crâne
    qui me dit : change de vie change
    de mort. Ou tue-toi !
    Les arbres sont vivants.
    Mutation ! mutation !
    Qui me reconnaîtra ? qui ?
    Les vers de terre sont vivants.
    J'ai posé ma tête sur un guéridon.
    Je la tourne dans tous les sens.
    La lance en l'air.
    La rattrape d'une main.
    Puis l'autre.
    Qui m'aimera encore ? qui ?
    Je prends mon crâne à pleines mains
    le secoue jusqu'à ce que les yeux en tombent.
    Billes de verre.
    Billes de feu.
    Je suis aveugle.
    La matière plastique est-elle vivante ?
    Qui me comprendra encore ? qui ?
    Je remets ma tête à sa place.
    Elle s'ajuste mal.
    Tant pis !
    J'allume un grand feu
    au milieu d'un couloir interne.
    Une taupe survient.
    La chaleur se vit sous la terre.
    Je lui montre ma tête mal emboîtée.
    Elle ne se soucie guère de ce qui apparaît en surface.
    Sa conscience est ailleurs.
    Ailleurs...
    Elle fume une pipe d'écume rouge.
    Me regarde fixement.
    Je remarque qu'elle n'a pas de tête.
    Deux petits trous de chaque côté du nombril.
    Un autre trou dans la glotte
    à l'intérieur duquel elle enfonce sa pipe.
    Petite intrusion dans le monde des vivants...
    Feu de bois.
    Feu de tripes.
    Feu !
    Qui me surprendra encore ? qui ?
    Des bulles d'air chaud courent le long de mon oesophage.
    La vie est un bain de mémoire perpétuel.
    Au secours ! au secours !
    C'est ma raison qui flambe !
    Mon passé tombe en ruine.
    Je réintègre mon centre rouge.
    Je suis vivant.

    Vital Bender


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