• Mais nous sommes creux. Vides sur le plateau de la balance des jours. Oppressés par des sentiments qui nous obligent à entretenir des chats et des enfants malingres entre des murs contre lesquels nous nous heurtons en écumant (qui lira ce poème jusqu'au bout ?). Ceux que nous attendions se sont perdus en route et nous demeurons figés là debout sur notre centre qui se multiplie à travers la pièce avec des titubements de momies. Oh terreur oh raison oh silences éjaculatoires qui nous fécondent et nous pondons nos oeufs au bord des ruisseaux sans plus songer à ces présences spectrales que le moindre souffle réduit en fumée.

    Vital Bender


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  • Prêter l'oreille aux confidences des saules à mi-chemin entre la rive et l'onde qui remue doucement. Enjamber la barrière et fuir oh fuir cet oeil fixe, ce regard sans paupières mais demain devient rouge et des digues infranchissables continuent de croître un peu partout : si elles pouvaient, si tu pouvais, si nous pouvions éclater (bulles de rire ou de savon...), l'enfance, les tournesols, les clairs de lune qui se composent et se décomposent à souhait sous la surface (des mers, des terres, des lieux dits), les éclaboussures de piments et de fard sur les eaux troubles dans lesquelles plus personne ne se mire, comme si la honte de visages dénaturés... Des corps sans relief errent dans un rayon délimité par des tentures diaphanes à travers lesquelles des mains de vieilles et de succubes se faufilent à la faveur d'apparentes ténèbres.
    Une main se glisse entre les briques du mur et le mur s'allume comme une torche, la torche illumine le ciel, le ciel fait une embardée et s'écroule sur la tête d'un mort qui passait par là et je voudrais oh je voudrais boire à la source de ce poème, m'affaler sur la rocaille et repousser oh repousser la raison jusque dans ses derniers retranchements...

    Vital Bender


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  • Je ne vois d'autre explication à ce prodige qu'une tumeur qui aurait crevé soudain : bol de lait renversé, solitaire rêvant de sexe et de miroirs devant un feu qui le réchauffe à peine ou... pages déchirées d'un livre qui parlerait d'attentes vaines et de prosternations improbables dans la musique plus pure et les condensations d'heures sous la peau. Et si quelqu'un s'empresse d'achever son dimanche à coups de couteau la toile se fend et les semaines défilent toutes à la fois entre des arches croulées ou des parapets surplombant un vide composé de miettes de vies ternes et de ragots, de lamentations et de crimes. Je défie quiconque de lever le poing sur ce jour mat ! Edifier un monde nouveau parmi les bruyères et les cailloux ronds polis sur des littoraux sans retour au mépris des anciens vertiges, des anciennes peurs, des veilles consciences pleines de pus et de vers. Renvoyer l'ordre établi sous la terre et les yeux mi-clos rêver oh rêver à de longues, à de silencieuses processions d'arbres entre les roseaux.

    Vital Bender


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  • Oh tous ces suaires flottant sous l'eau, ces embrassements spectraux dans le lit des rivières sous les arbres qui penchent comme de lointains ancêtres et qui vont se déraciner soudain pour boire ou pour s'enfuir mais la terre exsangue les retient, ils attendent, ils n'ont pas de bouche, un crucifix émerge des flots taris entre des pierres qui elles ont peut-être soif. Mais dans une maisonnette au fond de l'étang une jeune fille se caresse en écoutant tinter les clochettes de fleurs dans sa chevelure éparse sur le plancher. La jeune fille tient dans sa main droite une branche de cèdre ou un crucifix - l'instant se poste - il lui faut se pencher en avant elle aussi comme s'il était encore temps de crier sous l'eau à la faveur d'une aube qui n'en finit pas de remonter la pente de la colline toute proche et des hortensias qu'un vent attiédi secoue à des profondeurs incalculables. Le temps file, file, quelqu'un entre dans la chambre où la jeune fille s'est endormie avec entre ses bras une peluche éventrée ou un crucifix, un homme... (ils sont peut-être plusieurs), la peluche tombe sur le plancher, l'étang se vide, le rêve était à l'intérieur de la peluche. Un homme roule sur des pierres en hurlant : il n'a plus de sexe et ses yeux tombent sur des lèvres qui n'auront plus jamais souci de boire.
     
    Vital Bender

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    Ma mère assise sur une chaise bancale
    devant un mur de vide
    regarde tomber la pluie et les minutes sur son tablier
    regarde...
    Je la regarde aussi et je sens battre en moi le flux des heures dernières
    un torrent d'heures qui dévale du ciel et me submerge.
    Elle est là elle semble absente on dirait
    qu'elle regarde la mer
    qu'elle voudrait se dissoudre dans l'onde elle aussi.
    Elle détourne les yeux jette son âme par la fenêtre ouverte sur un pays qu'elle ne reconnaît déjà plus.
    Le vent hurle sauvagement en pénétrant à l'intérieur de la pièce.
    L'âme de ma mère décrit une large courbe au-dessus du jardin sans fleurs où le temps se cogne aux arbres.
    Je ne puis m'en aller sans elle :
    quitter cette peau
    pour baiser une dernière fois ses lèvres
    ses lèvres froides.

    Vital Bender


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