• Oh tous ces suaires

    Oh tous ces suaires flottant sous l'eau, ces embrassements spectraux dans le lit des rivières sous les arbres qui penchent comme de lointains ancêtres et qui vont se déraciner soudain pour boire ou pour s'enfuir mais la terre exsangue les retient, ils attendent, ils n'ont pas de bouche, un crucifix émerge des flots taris entre des pierres qui elles ont peut-être soif. Mais dans une maisonnette au fond de l'étang une jeune fille se caresse en écoutant tinter les clochettes de fleurs dans sa chevelure éparse sur le plancher. La jeune fille tient dans sa main droite une branche de cèdre ou un crucifix - l'instant se poste - il lui faut se pencher en avant elle aussi comme s'il était encore temps de crier sous l'eau à la faveur d'une aube qui n'en finit pas de remonter la pente de la colline toute proche et des hortensias qu'un vent attiédi secoue à des profondeurs incalculables. Le temps file, file, quelqu'un entre dans la chambre où la jeune fille s'est endormie avec entre ses bras une peluche éventrée ou un crucifix, un homme... (ils sont peut-être plusieurs), la peluche tombe sur le plancher, l'étang se vide, le rêve était à l'intérieur de la peluche. Un homme roule sur des pierres en hurlant : il n'a plus de sexe et ses yeux tombent sur des lèvres qui n'auront plus jamais souci de boire.
     
    Vital Bender

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