• Je ne m'attendais pas à ça. Je ne m'attendais à rien de surprenant d'ailleurs. Sans jamais avoir été tenté de le lire, j'avais classé Giono dans les écrivains populaires. Et peut-être l'est-il. Mais alors avec classe. Tout ce livre est poésie. Tant dans la forme que dans son cadre. C'est un livre frontière. On passe dans un univers qui paraît réel ou envisageable comme tel à des espaces improbables, comme nappés de vapeurs à la fois étranges et sensuelles. Il s'en dégage une atmosphère tant romantique que libidineuse mais d'un sanguin davantage sous-jacent que directement exprimé. Les personnages sont corps et force brute. Ils sont vie et Giono les lance dans son histoire et regarde comment ces muscles réagissent, la part qui échappe à leur raison, celle qui suit leur vérité peut-être essentielle, en dépit des conséquences qui pourtant sont rarement la facilité, mais qu'on assume comme une fatalité nécessaire.
    J'y ai aussi pu lire l'opposition entre l'inné et l'acquis même si l'acquis n'est pas celui induit par l'homme mais celui que les éléments naturels ont modelé chez le héros principal, en l'occurrence pour lui : le fleuve et l'eau. Alors que le Rouquin représenterait le feu par excellence, mais celui qui brûle dans ses veines depuis sa naissance. La nature n'a pas encore pu y imprimer sa tempérance.
    Le titre, s'il demeure énigmatique quant aux faits me semble confronter dans le déroulement du roman ceux qui entendent le chant du monde et ceux qui tentent de lui imposer leur mélodie.


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  • De retour j'ai pu expérimenter une nouvelle fois la douche des glaciers et je comprends qu'avec une eau si froide une seule lettre sépare ablution d'ablation. Mais la pratique était indispensable car je venais d'offrir à la nature mon premier caca qui d'un beau brun vira instantanément au noir tant le festin comptait d'invités.

    A l'instant où j'écris, je suis fasciné par le labeur de bergers éloignés qui tentent désespérément de rameuter leurs bêtes. Mission impossible. Ils les conduisent d'un côté, elle filent de l'autre. A peine rassemblées elles se scindent à nouveau. Un vrai bal clownesque que je savoure des premières loges de mon promontoire. Ça y est ils abandonnent.

    Toujours de grandes difficultés à trouver le sommeil. Je ne m'épargne pourtant pas en journée. Et même là d'ailleurs, aucun coup de barre. Je pète la forme.
    Le ciel aussi a pété sa rage. Puissantes rafales de vent toute la nuit pour exploser en orage peu avant l'aube.


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  • Je viens de comprendre que si on marche tôt en montagne c'est surtout parce qu'il n'y a rien d'autre à faire. Il fait trop froid.
    C'est presqu'à la course que j'ai entamé ma course et comme toute la montée est dans l'ombre j'ai même eu peine à transpirer. Je voulais contourner le Rothorn et le prendre par l'arête nord depuis le glacier du Lämmer. Par endroits elle ne fait guère plus de cinq mètres de haut. Je les pensais aisément franchissables.
    C'était sans tenir compte de la friabilité de la roche de ce côté-ci. La montagne tombe en miettes. Les quatre mille de la rive gauche du Rhône offrent une fierté stable. Les reliefs de la rive droite me font penser à la peau d'un vieil éléphant. Ce qui leur confère une beauté très étrange, presque lunaire ; enfin selon l'idée que je me fais de la lune.
    Donc c'est bien mal pris que se trouva pris celui qui croyait prendre. Tout s'effritait. Et sous la roche, le glacier formait un joli toboggan d'une centaine de mètres. Il aurait amorti ma chute et j'aurais eu de la peine à en mourir mais je me serais sans aucun doute trouvé bien amoché. Et sans téléphone car je l'avais laissé sous tente pour être certain de le retrouver au moment du devoir filial (c'est pas vrai, je l'avais sur moi mais trouvais l'anecdote amusante).
    L'avantage avec une roche friable c'est qu'on peut y tailler des marches. Ca prend du temps mais je peine à renoncer.
    Le point de vue en valut la peine. Le plateau du Rothorn ouvre sur tout le glacier de la Plaine morte. Et comme par rapport aux classiques réputés, cette partie est très peu fréquentée j'y ai goûté en solitaire.


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  • La femme que j'aime a les seins plus doux qu'un jet incessant de pétales
    vers le ciel d'automne cramoisi.
    Nous sommes de ce temps-ci (et d'aucun autre) !!!
    J'allume une cigarette en imaginant que ta soeur a des règles plus abondantes qu'un rayon
    sur ses lèvres enfantines.
    Qu'elle me montre son globe lumineux en retroussant sa lèvre.
    Que nous nous aimons sur un tapis roulant.
    Que le réchauffement de la planète
    est dû à notre immunité et à notre insouciance.
    La femme que j'aime a la douceur des roses blanches
    leur tiédeur égratignée.
    Ne me demandez pas s'il est possible
    de survivre à cette intuition.
    Et je ne sais plus si c'est toi l'unique l'ineffable ou si c'est une autre
    si c'est à toi ou à elle ou au monde entier que je m'adresse
    alors que je devrais déchirer cette page !
    je ne sais plus m'émouvoir d'un rien
    d'yeux clairs
    d'yeux fraternels
    qui se cherchent obstinément dans la réalité et peut-être aussi dans le rêve
    quand le volcan s'est réveillé à l'intérieur du sang
    que le corps entier n'est plus qu'une irrésistible secousse.
    Oh ma soeur que j'ai abandonnée à des chimères sans issue
    poursuis ta route avec au fond des yeux l'éclatement la scission
    la désintégration permanente
    et tu n'auras plus jamais froid !
    Tu éclaireras ta propre nuit de tes fumigations diamantées.
    Nous retrouverons-nous nous reconnaîtrons-nous un jour au bout tout au bout de cette route
    au bout de cette comédie ?
    Vois-tu
    je ne m'accorde plus le temps
    de me jeter sur un lit de feuilles
    d'y mourir une heure
    un instant
    afin de renouer avec la saison qui fut tienne.
    Soeur des ombres claires et des bleuissements
    soeur des lunes en éventail sur la mer
    soeur des orques et des récifs coralliens
    soeur des reflets d'épouses dans les flaques d'eau
    soeur des jardins en friche et des feux de broussailles
    soeur des éclaboussures de nuit sur une nappe blanche
    oh ma soeur clouée à ce tronc centenaire
    qui n'a gardé que tes initiales
    qu'une égratignure...

    Vital Bender


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  • Pour rassurer ma mère qui s'angoisse dès qu'il s'agit de montagne, j'avais promis de lui composer un sms au terme de chaque journée. Au moment de m'en acquitter, je ne parviens pas à mettre ma main sur mon téléphone. Et je retourne mon sac et mes souvenirs en vain. Le plus probable est que je l'aie oublié à la cabane. Impossible d'y retourner. La nuit tombe et j'ai déjà cinq heures de marche dans les pattes. Je l'imagine désemparé ameuter pompiers et Rega.
    Voilà le geste manqué par excellence. Pour moi, même si c'était de bon coeur, c'était céder par complaisance à un caprice que d'accepter de jouer ce jeu. Si je me blesse je peux appeler, si je me tue rien ne presse.
    De plus, on s'habitue d'abord à imaginer le pire avec ce genre de procédé. L'état permanent est l'alarme. Elle ne s'apaise qu'à la réception du message. Alors que dans le cas inverse l'état permanent est la confiance, qui ne prend fin qu'au moment d'agir. Sans compter que bien plus d'incidents bénins peuvent interrompre cette régularité que l'accident tant redouté. La preuve par les faits.
    Mais cette fois-ci la Rega ne fut pas sollicitée à blanc car je l'ai finalement retrouvé dans mon texte d'Oedipe.
    La nuit fut bien plus agréable. L'addition matelas - couverture fit bien l'affaire et pour la première fois, en me couchant en même temps que le soleil, je n'ai pas eu froid. Par contre je peine à m'endormir et je me réveille très tôt. En pleine forme.


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