• On n'écrit plus beaucoup mais on joue sans cesse. Alors laissez-vous embarquer par ce rythme le temps d'une représentation. Histoire que ce blog délaissé vous serve encore à quelque chose.

    Le petit mot de la metteure en scène :

    Maître d'armes en hypocrisie, Tartuffe séduit. Désirs silencieux, pieux mensonges, un feu d'artifices de sentiments feints, des affaires de coeur... des affaires ! Scandale ? Dans cette histoire, on est aveuglé, on veut sauver la face. Et sa peau.
    Sous chapiteau, les acteurs jouent sans faux semblants, à vue d'oeil, à portée de main, le visage nu et la tête sous une perruque ! Musique et rap, poésie en vers, courses effrénées, farces et complicités seront de la partie...
    Car finalement la comédie est au théâtre ce que le coeur est à l'amour.

    Et hop les dates et les lieux :

    Saint-Barthélémy, au pied de son Château le samedi 30 mai à 20h.

    Aubonne, les jeudi 4 et vendredi 5 juin à 20h.

    Le Sentier, Place de Gymnastique du Sentier, vendredi 12 et samedi 13 juin à 20h.

    Vevey, Place Scanavin, du mercredi 17 au dimanche 21 juin à 20h sauf dimanche à 17h30.

    Payerne, Verger du Collège Derrière la Tour, vendredi 26 juin à 20h.

    Yverdon-les-Bains, Jardin du Théâtre Benno Besson, du mercredi 1er au samedi 4 juillet à 20h.

    Lausanne, Esplanade de Montbenon, du 2 au 20 septembre, ma-me-je à 19h, ve-sa à 20h, di à 17h

    Moudon, vendredi 25 et samedi 26 septembre à 20h.

     


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  • Quelqu'un vient mais il m'est difficile d'imaginer sous ce chapiteau une pensée commune. Je perçois toujours plus loin l'image du pendu que je serai. Mais je serai un pendu joyeux, me balançant sans heurt au bout d'une corde de violoncelle sous des frondaisons si denses que je serai le seul à le savoir... Le ciel coulisse avec des grincements de panneau mobile sur la route qui traverse le firmament de part en part, la voie est libre, quelqu'un me fait de grands signes là-haut, mais je ne sais que lui tirer la langue en flottant dans une sorte de coma ou de sommeil très agité. Quelqu'un viendra sur la pointe des pieds au petit jour fouiller mes poches vides et quand il me verra respirer, quand il m'entendra lui dire : "Déchire cette feuille ! brûle, brûle ce poème ! ..." il choisira sans doute une branche proche de la mienne... mais nul n'est encore apparu...

    Vital Bender


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  • Les jours se sépareront des jours par plaques blanches dans un déferlement de poussières radioactives (si cela avait lieu, nous hurlerions de joie !) Les jours se morcelleront comme de la diatomite sous les rayons laser et tout redeviendra comme avant, comme si rien n'avait jamais été différent ni essentiel, comme si nous nous étions toujours aveuglément aimés - sans nous arracher à cette terre dans laquelle peu à peu nous avions pris racine - aimés, éperdument aimés... Oh ton corps dissous, ton âme portée par ces courants ténus... non fiançailles tardives, non initiales gravées sur ces troncs entre lesquels plus personne (hormis toi et moi) ne passait plus à ces heures déjà roses que nous avions toujours crues suspectes comme nous suspections en rentrant la tête dans les épaules l'avenir quand le vent rabattait le volet que nous ne prenions plus la peine de fixer dans tes cheveux ou derrière la remise en hiver, tous ces hivers sans neige que nous traversions d'un bout à l'autre pour essayer d'atteindre cet horizon qui reculait, qui reculait avec des bondissements si imprévisibles que nous éclations de rire malgré tout. Les arbres et leur féminité prouvée, les avions et leur membre en érection à travers les moisissures de feu et les vapeurs de sodium. Mon immortelle... Regarde ! Au-delà de ma cécité usuelle, les jours et les nuits ont les mêmes terminaisons nerveuses.

    Vital Bender


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  • L'implacable équation des générations perdues

    De la porte entrebâillée, une lame de lumière tranche la pénombre de la scène. Comme une blessure dans la nuit, à l'image des coeurs : ceux d'une mère et de son fils, bousillés par un fait divers en forme de destin. Derrière cette porte, on entend le corps d'un père suicidaire se dessiner à travers les sanglots des survivants. Survivre à l'arithmétique du temps, à la soustraction de la perte. Division familiale esquisse sans concession les liens du sang disloqués par la mort, la culpabilité, la rouille qui gangrène les ports d'attache fraternels ou filiaux.

    Un texte hypnotique, entre douleur et ironie, dont les vers libres, écrits sans ponctuation, jouent avec la répétition des mots. Comme un écho aux ruminations obsessionnelles des personnages, à leurs pensées-tourbillon qui donnent le vertige, turbulences qui s'entrechoquent, échauffent les esprits et carbonisent les relations. "Pardon", répètent-ils sans cesse, comme une formule incantatoire qui se serait vidée de son sens, et dont l'essence première ne cesse de s'évaporer davantage à force d'être évoquée. Car à travers la mort du père, c'est tout une mécanique de communication qui se grippe ; qui saura prendre la tête de la meute ? Cette mère effondrée sur elle-même, dont le masque de regrets se fige au fil des éternelles habitudes, ou ce fils cadet toxicomane, suffisamment affaibli et effaré pour distribuer des "Je t'aime" que personne ne saura entendre ? Sûrement pas. Reste le fils aîné, miroir inversé du cadet, qui se plaît dans les ivresses de l'ascension sociale plutôt que dans celles d'un shoot d'héroïne.

    Dans ce décor noir et blanc de nuit et de pénombre, la mort agit comme un révélateur ; au sol, un cadre de néon définit les limites de ce cliché bouleversé. Dans cette intimité froide et désolée, le quotidien s'affiche dans son plus simple appareil, une table, quatre chaises pour meubler le dîner des retrouvailles. Derrière le manque d'appétit, le malaise sourd avec une justesse cinglante. "Ca pue l'étable", lâche la soeur, seul membre du clan qui saura peut-être s'émanciper de sa destinée gluante, au prix d'une douloureuse distanciation.

    Le dédain, unique échappatoire face à l'emprise dysfonctionnelle des siens ? La noirceur du trait, son incapacité (ou est-ce une volonté ?) à ciseler la moindre lueur d'espoir, verse parfois sur la pente de l'ennui. Mais les acteurs, tous à fleur de verbe, irisent suffisamment le texte pour soutenir ses basculements vers l'absurde, le surréaliste, la folie. Après tout, la mère et le fils aîné finiront en chemise d'hôpital sous les néons cliniques d'un asile psychiatrique. Et resteront jusqu'au bout des personnages sans nom, individualités à jamais prisonnnières de l'amère toile familiale.

    Jonas Pulver


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  • La folie pour survie

    Un plateau obscur fendu d'une entaille lumineuse. Dans ce rai de lumière, un corps brisé qui sanglote, suffoque. La première image de Division familiale dit beaucoup de ce qui va se jouer dans le clan dévasté. Derrière la porte libérant cette diagonale infernale, un père s'est suicidé. Et la blessure ne cessera de saigner, déversant son torrent de dérèglements. Toxicomanie, schizophrénie, logorrhée psychotique, Julien Mages dresse la liste des troubles provoqués par un tel événement. Avec un style où l'embouteillage du langage et les répétitions saccadées racontent le définitif sentiment d'étrangeté pour les proches blessés. Accablant ? Non car, face au jeune auteur et metteur en scène romand, les comédiens, jeunes eux aussi, restent autonomes, vivants.

    "Petit papa, petit con (...) je peux revenir plus tard tu nous tues je reviendrai plus tard elle est où ta tombe." Comme le cadet (René-Claude Emery), le fils aîné (Frank Arnaudon) n'a pas supporté l'acte fatal. Lui qui avait répondu par le travail à la névrose familiale termine interné après une crise obsessionnelle qui a la tombe pour objet.

    Tout le théâtre naissant de Julien Mages réside dans l'idée de lésion. De division intérieure qui a donné son nom aux trois pièces écrites depuis 2006. L'auteur, 31 ans, est diplômé de la Haute Ecole de théâtre de Suisse romande, mais a laissé le jeu de côté pour l'exploration des névroses familiales. Avec succès. Les Perdus, sa prochaine pièce, lancera, en septembre, la saison du Théâtre de Vidy. Le sujet ? La vie d'un groupe de squatters. On ne sera plus dans les abîmes familiaux, mais les secousses de l'âme et du corps restent au coeur du propos.

    Secousses, oui. Car, de la mère (Irma Ryser-Zogaï) aux fils en passant par l'interné (Frank Michaux), chaque personnage de Division familiale tremble, vacille sous le poids de son trauma. Seule la fille (Marika Dreistadt) tient bon. Un ballet parfois convenu autour de la folie, mais prenant dans ses enjeux de survie.

    Marie-Pierre Genecand


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