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C'est avec enthousiasme que je me suis lancé dans la lecture du deuxième roman de Ramuz. L'issue en est moins tragique que pour Aline puisqu'à la clôture de l'intrigue le protagoniste principal reste en vie. Cependant c'est un drame qui tisse son dénouement avec la même implacabilité et selon cette recette qui consiste à glisser les allusions sournoises au drame qui se consume bien des pages avant qu'il devienne effectif.
Si bien que j'ai parfois cédé à la tentation d'embrasser en quelques mots les splendides descriptions dont use Ramuz pour enrichir les événements d'une ambiance. Non que je les trouve superflues mais simplement parce que, le roman étant plus long, il me tardait d'arriver au coeur de l'action. J'y revenais parfois ensuite pour en goûter la portée poétique et universelle.
Car en plus d'entretenir le supense et mettre à mal la patience du lecteur, elles ont la capacité incroyable d'ouvrir, par d'innocentes formules, des rideaux sur l'opacité du monde.
L'écriture ramuzienne possède en outre l'illusion de la simplicité en cela que les choses s'écoulent avec la logique inoffensive d'un canal du Midi... elles atteignent pourtant leur but avec la même fatidique assurance.
Ainsi comme son titre l'indique, les circonstances de la vie sont imprégnées d'un déterminisme certain. Elles sont les conséquences de caractères qui eux par contre souffrent difficilement de changement ; et malgré les souhaits de ceux qui les possèdent.
Mais n'est-ce pas là tout le drame de l'humanité ?
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L'enfance ébahie court après des résidus d'astres en fusion
l'enfance éternelle en orbite autour du soleil dé à coudre
l'enfance des boutons d'or et des filets de résine.
Je vous demande un peu : l'enfance
éclaboussée de vermine et de pétrole !
là : sur le fil du rasoir !
là : au fond de toute plaie qui suinte !
là : debout sur une fourmilière !
en fin de compte
rêve égaré qui cherche en vain son cap
dans la poussière noire et les accélérations d'atomes.
L'enfance ! merde ! il est trop tard !
trop tard pour vivre
trop tard
pour prétendre enfin à la parole
trop tard pour enfoncer cette porte
par la pensée
la pensée des uns et des autres
la dissolution de la pensée dans une masse d'air...Vital Bender
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Comme je n'arrivais pas à me motiver pour partir, j'ai avalé "La cinquième montagne de Coelho". J'en parlerai dans lité-raclure. Puis vers 16h, le brouillard s'étant bien dissipé et le soleil paraissant rentré de vacances, j'ai enfilé mes chaussures encore humides.
La balade fut un vrai bonheur. Malgré un sol spongieux et glissant je voltigeais de bonne humeur.
Les Outanes sont encore bien enneigées et mon campement...
J'ai d'abord cru qu'on avait dérobé ma tente. Elle était complètement écrasée sous le poids de la neige. N'émergeait qu'une partie indistincte et torve, à la moitié de son développement normal. Ma pelle à terreau trouva enfin une utilité. Métamorphosée en pelle à neige je lui rendis grâce de se trouver dans mon sac. Comme quoi rien n'est désespéré. Il suffit juste de connaître son domaine de prédilection. Tôt ou tard il se révèle.
Le dégagement a pris du temps. La face sud ployait sous au moins cinquante centimètres. A l'intérieur : miracle ! Si le sol était trempé, mon matelas dégonflé mais étanche isola couverture et sac de couchage. C'était l'essentiel. Les piquets étaient bien maillés. D'une jolie courbe régulière, conséquence d'un office patient mais efficace ; un flocon après l'autre qui se sont donné la main.
Ma période sous tente est bien terminée. Maintenant que je m'étais habitué aux bruits et à la température...
Mais à 2500 mètres c'était un risque et c'était super quand même. De plus tout concorda à merveille. Quand la cabane était occupée j'étais sous tente et quand les conditions s'y opposèrent c'était un temps si décourageant que j'ai eu la cabane à mon entière disposition.
On verra ce que me réservent les derniers jours.
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Chute du soleil dans le caniveau
- c'était un rêve -
le soleil s'accroche désespérément à un membre qui flotte
un membre de femme sans doute :
on le reconnaît à ses doigts crochus
crispés désespérément sur une boule de verre ou de feu
crispés désespérément
sur un visage sans douceur.
Qui flotte à côté de lui ?
Il pleut.
Il pleut toujours sur ces histoires de soleil au ruisseau et de membres de femmes
assassinées sans doute en plein sommeil
et que la mémoire restitue par fragmentation.
Tous les yeux clos toutes les gouttes de pluie
derrière une fenêtre circonstancielle se ressemblent.
Toutes les mains qui flottent sur une eau tranquille
sur les toits des mosquées
sur les châteaux de sable.
Toutes les bouches qui rient ou qui mentent
et qui n'appartiennent à aucun visage
pas plus que ces visages n'appartiennent au jour
ni le jour à ce soleil crochu
crispé désespérément sur un morceau de jambe ou de bras
de femme poignardée en pleine nuit
en pleine jeunesse folle...Vital Bender
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Météo-Suisse est décidément complètement à l'ouest. Rien ne s'est ouvert hier. Il a flotté toute la nuit.
La neige s'accroche à la verdure. Il fait un froid de canard. Aucune excursion possible aujourd'hui. Et même si ça se dégage dans l'après-midi, le Mt-Bonvin sera demain encore impraticable. Le jour 9 est ma dernière chance mais c'est le jour où j'avais prévu de plier bagage, faire le trajet jusqu'à la cabane pour y déposer la couverture et y passer la nuit avant de redescendre dans l'après-midi du dernier jour.
Une autre solution serait donc de réduire le campement aujourd'hui, sécher tout ça à la cabane, prévoir une course tranquille pour demain et Mt-Bonvin, Sex Mort, Plaine morte, descente dans les Outanes par le pierrier, remonter le col de la Roue pour atterrir à la cabane. Huit heures de marche pour conclure en beauté.
Une dernière solution serait de ne passer par la cabane que le dernier jour ; donc sans y passer la nuit. Mais cela exigerait que la tente ait résisté. Ce qui me surprendrait fort. Et pour le vérifier il faut s'y rendre sous ce temps de chien...
Au moins je suis reposé et l'humeur est remontée de quelques degrés. Les deux visages qui dansaient autour de ma tête hier soir ont réintégré leur territoire. J'étais étendu sur ma couche et je distinguais clairement sur ma gauche un René-Claude qui éructait des borborygmes incompréhensibles à la vitesse de la lumière et d'une voix filtrée à l'hélium alors qu'à ma droite, un autre René-Claude enchaînait les grimaces les plus incongrues avec une dextérité hallucinante ; jusqu'à ce que le sommeil me gagne.
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