• Le poète regarde le ciel
    Et il remarque qu'il est vert
    Comme les yeux de cette femme

    Le poète devine ses seins
    Derrière l'étoffe que supporte
    La pâleur de ses épaules

    Le poète écarte les branches
    Pour mieux voir le soleil
    Pour mieux sentir sa chaleur

    Et sans aile pour le porter
    Sans amour pour le trahir
    Lentement prend son envol

    Pour mourir un peu plus haut

    Pour mourir un peu plus beau

     

    (Tableau de Jean-Pierre Fruit)


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  • - Bonsoir mon ami ! Alors, on ne m'a pas l'air dans son assiette ! La conscience titille tes entrailles ?
    Que je me sens soulagé tout de même. J'ai bien cru que je ne pourrais jamais te visiter. Tu semblais si bien te fondre dans toute cette indifférence... Bref, mieux vaut tard que jamais n'est-ce pas ?

    Ainsi emporté par son enthousiasme railleur, il bouscule du coude notre homme qui d'évidence doute encore de la réalité de cette apparition. Enfin d'un hésitant "Qui êtes-vous ?" il s'enquiert de l'identité de son interlocuteur.

    - Moi ?! s'étonne-t-il, mais je suis un vampire ! Ca se voit pas ? Un lointain cousin de ces amateurs de sang chaud qui ont fait notre réputation. Je ne suis néanmoins pas tout à fait de leur catégorie, une souche particulière en quelque sorte. Bien que je ne répugne pas à cette divine boisson, je ne la dérobe pas du cou de mes victimes mais suce simplement ce qui s'échappe inévitablement - ou presque - de chaque individu à un moment donné de son existence. En d'autre termes, je suis un Beduars.
    Allons, ne me regarde pas ainsi ! Je ne te veux aucun mal. Je me contente seulement de celui que tu consens bien à te faire. Et celui-ci, crois-moi, se trouve alimenté à de nombreuses sources partout autour de toi. On peut même dire qu'il naît de la furieuse contradiction des éléments constitutifs de chaque être humain.

    Plus ses paroles se déversaient, plus ses yeux s'illuminaient d'une jouissance savourée et mesurée. Sa taille semblait croître comme pour encore davantage écraser l'homme de son regard chargé de pesante ironie. ./.


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  • Le matin du premier jour, je m'extirpai péniblement de mon duvet après une nuit où l'idée d'un réveil à 04h00 suffit à me garder à bonne distance d'un quelconque sommeil. Je remis la prévision d'une douche à de meilleures dispositions pour me traîner en somnambule jusqu'en salle de méditation. Nos places avaient été attribuées la veille ; les anciens méditants face à l'enseignant et les novices derrière eux. Je me calfeutrai sur le carré bleu de mon espace entre coussins et couvertures avec le brouillon espoir d'y créer un nid douillet.
    Si je m'en souviens bien, car cela fait déjà plus d'un an - mais ce dont je suis sûr pour les jours suivants - c'est que lors de cette première heure de méditation on nous passe l'enregistrement de chants de S.N. Goenka puis de 05h30 à 06h30 nous avons une heure de méditation libre. Jusqu'au petit déjeuner. Mais peut-être aussi que ce premier jour on nous prodigua un enseignement d'introduction à la méthode. Introduction qui dure trois jours avant la pratique de Vipassana lui-même.
    Quoi qu'il en soit celui-ci consistait à l'observation à chaque respiration des sensations provoquées par le passage de l'air à l'intérieur de nos narines sans se laisser distraire par aucune autre pensée. Evidemment, il ne suffit souvent même pas d'une minute pour que son esprit se mette à vagabonder. Au début on s'en rend compte très tôt et on tente de ramener son attention. Puis au fur et à mesure, sa concentration s'amollit et, en ce qui me concerne ce premier jour, non seulement ma concentration mais ma capacité à rester éveillé.


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  • Si loin en mer, fanée (pétales), et les poissons qui font la ronde autour de ta tige de campanule tandis que je m'enivre de ton absence, imagine cela : assis sur un nuage au milieu du désert - les chrysanthèmes frissonnent dans le vent tiède, les dunes au loin ressemblent à des tombes dont chacune doit contenir une part de toi, de ton âme, de ton souffle, les ruines de ta part belle - ...est-ce que je rêve ? Voici l'hiver. Tu n'as toujours pas regagné la rive, tu nages sur le dos, tu t'amuses follement tandis que je m'obstine à reconstituer ton visage à travers ces brumes tenaces qui forment un écran propice à la réverbération de ton aura. Tes seins en forme de clairons sonnent le ralliement des causes perdues. Le frémissement de ton voile et l'éclat de ton diadème sur ma peau... Si loin en mer... Mon aéronef s'est fracassé contre un récif. Oh tous ces ciels vers tous les horizons au fond desquels tu te lovais comme un serpent d'air chaud... Je suis assis sur un rocher au milieu de ... (est-ce que je puis encore ressentir quelque chose ?) ... Pelote de laine accrochée à un vieux clou. Morceau de ferraille que le vent du nord fait tinter. J'aime cette vie. Nous irons tous au purgatoire. Maman m'appelle de la fenêtre de sa demeure idéale : il est l'heure de te coucher, il est l'heure... L'écho de la voix de maman... Les yeux, le front, les confitures de maman... Tandis que tu coules à pic. Au fond du jardin. Quand je serai vieux, j'aurai des antennes comme les chiens errants et les écrevisses. Ma tête a rebondi trois fois sur le bord du ciel avant de s'immobiliser près d'une fleur qui danse et je poursuis ma course effrénée à travers toutes les (pages blanches...)

    Vital Bender


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  • Mercredi 28 octobre.
    5h du matin, le réveil sonne, le zombi se lève, se rase en diagonale, se douche de haut en bas ; le voilà prêt à prendre la tangente. La voisine zombi monte également dans la voiture, destination gare d'Yverdon. Kinshasa semble bien loin, dans un autre monde. Tout cela est irréel. Dans le train la Suisse s'est levée pour se mettre gentiment au travail, mais elle n'est pas encore réveillée.

    Le ciel est dégagé, la terre vue du ciel est toujours aussi belle, la main de l'homme semble avoir disparu. Le brouillard serpente le long du Rhône ; et puis bien plus tard, la frontière franco-belge facile à repérer : il y a deux centrales nucléaires qui recrachent les seuls nuages de l'horizon. Les cheminées sont comme deux kerns des temps modernes qui nous balisent un futur proche et radieux. (Avez-vous déjà remarqué qu'on ne construit jamais les centrales en plein milieu d'un pays mais toujours près d'une frontière ? Regardez sur le Rhin ! C'est par esprit de solidarité ; si ça pète, on partage avec le voisin.)

    La Belgique apparaît enfin, comme un immense patchwork de champs dans une belle gamme de terre grise et rouille. Sur l'écran des télévisions suspendues au-dessus de nos têtes défilent des paysages belges aux couleurs de vieilles cartes postales décaties. De mornes plaines verdâtres ou grisâtres ou encore des mines à ciel ouvert ou des voitures circulant sur des boulevards dans des villes à vous faire exploser le taux de suicide par habitant. Et d'ailleurs, par une âme qui vive sur ces images. On a pensé à une initiative du ministère du tourisme, ou à une blague belge ou peut-être encore à de l'art contemporain.

    Thierry Crozat

    A suivre...


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