• Je découvre ma chambre. Elle comporte cinq lits et nous y serons quatre. Quatre hommes bien évidemment. Les femmes se trouvent dans une autre aile du centre.
    Une courte promenade dessine ses sentiers à l'extérieur, eux aussi séparés de ceux des femmes.
    Le repas du soir est excellent et d'une grande diversité. Ce sera ainsi durant tout le séjour. Ce service ainsi que toute la marche de la maison sont assurés par des bénévoles, des méditants en fait. De ceux qui ayant déjà participé à plusieurs cours ont la possibilité de s'inscrire en tant qu'auxiliaires.

    Je rencontre mes camarades de chambre dans le silence. J'ai bien tenté d'entamer quelque conversation mais la réception en fut si glaciale que je me suis rapidement replié dans ma bulle. Avant le coucher, on nous passe un enregistrement traduit de maître S.N. Goenka qui est à l'origine de la propagation de la technique Vipassana à travers la planète. Les règles du centre et le déroulement du cours nous y sont décrits. La voix du récitant est d'un mielleux comique. Le cliché même de l'illuminé, ou plutôt du méditant ; ce qui n'est pas pareil... Une espèce de mélopée polie et scolaire d'où toute expression exagérée est absente. Le ton est juste mais un peu plat.
    En tout cas il est donné. On n'est pas là pour rigoler mais une profonde "opération chirurgicale est sur le point d'avoir lieu."


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  • Vous avez pu voir régulièrement les photos issues du périple des ArTpenteurs (Peer Gynt / Tartuffe) à Verbier. Thierry Crozat et Corinne Galland (deux des quatre membres du noyau de la compagnie) multiplient cette fois-ci les distances et le dépaysement. Ils se sont rendus en République Démocratique du Congo pour une collaboration artistique avec la compagnie des Intrigants qui désire monter Lysistrata d'Aristophane. Ils ont prévu pour le coup d'animer des ateliers autour du Choeur grec et du jeu masqué. De retour Thierry nous a fait parvenir sous forme d'épisodes un journal de leur séjour. J'ai trouvé ça si fascinant qu'avec son accord j'ai eu envie de vous le faire partager :

    Lysistra est l'histoire d'une grève du sexe déclenchée par les femmes de tout clan pour mettre fin à la guerre et forcer les hommes à signer la paix ; c'est une comédie vieille de deux millénaires éternellement d'actualité.
    Cette farce résonne terriblement en écho au conflit qui se déroule toujours dans les riches régions de l'est du pays (Kivu). Le viol systématique est devenu une arme de guerre utilisée par toutes les factions armées impliquées dans le conflit (dont l'armée régulière...).
    Nous vous proposons par ces quelques carnets de route de vous faire partager ce séjour à Kinshasa avec le théâtre des Intrigants.

    Thierry Crozat

    A suivre...


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  • La transparence se vit de l'intérieur. Déambuler le long de sombres couloirs en ruine appelle cette trouée de jour qui saille au gré des voûtes prêtes à s'écrouler au moindre déplacement d'air (qui provient lui aussi du fond des tripes). Patauger dans la glu des heures immobiles avec l'illusion de savoir voler et voler à coup sûr. Non ! assez de ces baies opaques ! de ces murs à travers lesquels retentissent les supplications des condamnés à vivre à tout prix ! La nuit est le domaine suprême. Il n'y en a pas d'autre... Silence ! Qui vient ? Quel pas sonne sur ces dalles froides au-delà desquelles reposent les reliques des vivants qui soupirent ? Les morts veillent et ricanent. Les vivants dorment. Et la nuit est si belle. Si belle... Oubliez-moi !

    Vital Bender


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  • Janvier quelconque d'une année oubliée.
    Comme deux battants à la cloche de son manteau ; ses pas sonnent sa course nocturne. Fidèle à son propre rendez-vous, il dérange les nuées à la rencontre de son ombre. Il tourne au coin de la rue du Bourg et au loin la silhouette un peu fantomatique de la passerelle se dévoile pudiquement.
    Le crissement d'une allumette rompt le rythme de sa marche. Des lampadaires postillonnent la nuit de leur frêle halo mais leur indécence contribue encore davantage à l'envoûtante ambiance que créent déjà les rues trépassées.
    Accoudé sur le rebord, sa cigarette éclaire un peu son visage à chaque aspiration. Des images défilent sans légende et sous lui le courant les emporte au loin. Il ne cherche pas à les retenir, sa volonté s'est éteinte et il s'abandonne à leur jeu. Marie, Yvan, l'usine, sa fille, Capri. Tout renaît puis meurt aussitôt, bousculé par d'autres vestiges. Toute sa vie, ses réussites, ses maîtresses, ses joutes. Les souvenirs revisitent son passé et rejettent tout instantanément. Il avait pourtant eu de la chance, il avait su prendre les risques qui s'imposaient. Aujourd'hui il est riche. Jacqueline suit ses traces. Enfin ; il est de ceux qu'on envie. ./.


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  • "Diamcoupe".
    C'est l'inscription qui figurait sur la camionnette qui me précédait sur la route du centre Vipassana de St-Imier. Et bien évidemment, quand on a décidé de s'enfermer 10 jours dans un lieu dont la seule chose que l'on sait c'est qu'on méditera, qu'on mangera végétarien, qu'on ne boira d'alcool ni ne fumera, on espère en une révolution profonde de notre être et de nos fonctionnements. On espère une compréhension neuve, un éclairage salutaire, la fin de ces répétitions dont on constate chaque retour avec le désappointement comme seule défense.

    Ainsi, quand on se doute bien que rien de très folichon ne nous attend - dans le sens où rien qui ne vienne d'ailleurs que de soi, que d'en soi (et que même en ce cas écrire n'est pas permis.) - une appellation comme "Diamcoupe" est du plus prometteur des augures. Et c'est tout rempli d'allégresse et d'espoir que j'ai franchi les portes du centre suisse.
    Du thé et quelques fruits nous attendaient au moment des inscriptions. Aux postures contrites des premiers présents, je me suis alors souvenu d'une dernière règle : éviter le contact, qu'il soit par le regard ou la parole. Ainsi tout est bel et bien dirigé vers l'application la plus optimale du principe Vipassana.
    Qui se traduirait pas "Vision pénétrante".
    Comme je le disais plus tôt, il s'agira de se couper de l'extérieur pour pénétrer son intérieur, puisque finalement, si l'extérieur nous est accessible c'est par le biais de notre intérieur. Et nous ne pouvons y échapper. Toutes nos expériences passent d'abord par nous, par notre filtre. Ainsi si nous ne nous connaissons pas nous ne pouvons connaître la réalité.
    Ce qui est d'une imparable logique.
    Mais comment se connaître ? Vipassana semble pouvoir en apporter une méthode, libre de tout dogme et de toute autre pratique religieuse. Un méthode simple et infaillible.
    Et c'est pourquoi je suis là. ./.


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