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En relisant mes mots sur "La leçon de choses en un jour" je n'aimerais pas qu'on soit tenté de classer Alain parmi les écrivains régionalistes, sans que j'en fasse pour autant une distinction qualitative mais simplement parce que je trouve que son écriture porte au-delà d'une géographie. J'y fus évidemment sensible puisque ce cadre m'était particulier mais le Valais n'en est pas le centre. L'espace y tiendrait une importance équivalente au temps. Puisque tous deux sont véhicules d'influences. Et ces causes sont surtout prétextes aux effets ; qui eux agissent sur le centre. Sur le sujet. Sur Alain. Bien sûr, avec tout le romanesque qu'impliquent les souvenirs.
Et dans ce deuxième opus le centre en question entre en adolescence avec ces mêmes quêtes et interrogations d'identité mais avec en plus, et c'est en cela que je trouve l'évolution entre les sept et les quatorze ans remarquable, une maturation lisible du héros sur les analyses qu'il porte à son expérience. Ce sont les réflexions d'un adolescent soutenues par la maturité d'un homme mûr, mais sans intrusion de ce dernier. Sans tricherie.
Dans "Le jour du dragon" le héros découvre l'amour, les rapports d'amitié mâtinés de pouvoir, les paradis artificiels, rencontre un artiste peintre, le désir et pèse leur rayonnement sur ce qui le constitue aujourd'hui. Et rétrospectivement il est difficile de dire lesquels, des pertes ou des gains, ont eu le plus de poids sur la richesse accumulée. Comme si les lois métaphysiques procédaient à l'inverse des physiques.
Je profite rapidement de ce post pour vous renvoyer vers un article splendide, qu'Alain Bagnoud a publié sur le site littéraire Coaltar, sur le poète Vital Bender dont vous pouvez lire ici sous la rubrique "Demain avant de naître" nombre de poèmes. Il a aussi rédigé une pertinente critique d'Oedipe Roi sur son blog. Critique qui me fait d'autant plaisir qu'il paraît avoir vu chez Oedipe l'essentiel que je souhaitais transmettre.
Faites-y un crochet. Ca vaut le détour.
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Notre trio fellinien, c'est confirmé, est donc constitué d'une brave famille de polonais tombés du ciel ; ils seront mes voisins de voyage. Ils ont dû gagner au loto, c'est pas possible, et s'offrir un safari ainsi que des (oui des) téléphones portables derniers cris ainsi que plusieurs (oui plusieurs) appareils photos. Elles, les femmes léopards, ont commencé par essayer de manipuler un appareil reflex très sophistiqué pour se prendre en photo dans l'avion. Et l'inévitable est arrivé : elles m'ont demandé de les prendre en photo et donc (et surtout) de mettre en marche l'appareil. J'ai fièrement réussi à l'allumer et à atteindre le menu sans pouvoir pousser plus loin : c'était écrit en russe. Le papa a trouvé une parade imparable : il a sorti un petit appareil numérique très accessible et facile d'emploi. Et le safari photo a pu commencer à plus de dix mille mètres d'altitude dans un airbus de la compagnie Bruxelles Airlines.
Un excellent repas nous a été servi avec un poulet au curry très convaincant. Les végétariens ont eu moins de chance que nous car pendant que nous mangions, les télés au-dessus de nos têtes nous déversaient d'interminables scènes de chasse où les léopards (sic !) n'en finissaient pas de dévorer différents types de gazelles encore vivantes (une fois le papa léopard, puis une fois le papa léopard avec sa femelle et sa fille aînée, puis une autre fois avec les enfants léopards. Mais à chaque fois une gazelle différente bien sûr...). Enfin, on est arrivés au bout du repas, heureux d'en avoir fini.
Sur ma droite, à côté de Corinne, une des rares femmes congolaises dans l'avion encore en boubou. Ses mains dépassent d'une grosse veste en laine et ses pieds nus de la vieille couverture d'une compagnie aérienne probablement disparue. Elle compulse le "dictionnaire des personnages de la Bible", ouvrage qui lui sera très utile quand nous traverserons l'orage tropical en descendant sur Douala. Pendant les franches secousses, mes Polonaises poussent des grands cris en s'agrippant l'une à l'autre pour ne pas tomber plus bas. La maman tentera quelques prières en polonais, sans grand succès à vrai dire.
Corinne et moi étions très bien entourés dans cet avion catholique. Nous ne risquions plus rien.Et c'est ainsi que nous sommes arrivés sains et saufs à Kinshasa. Je vous passe l'épisode du douanier qui s'appelait aussi Thierry et qui nous a fait poireauter très très longtemps pendant que tous les autres voyageurs étaient déjà rentrés chez eux : il n'arrivait pas à déchiffrer les passeports de trois citoyens d'un pays du golfe persique. C'était écrit en arabe ! (véridique !).
Et nous voilà accueillis par un des membres fondateurs du Théâtre des Intrigants qui a certains passes droits car il est député de l'assemblée nationale. C'est Valentin Mitendo surnommé par ses proches et amis : "l'Honorable". Nous passons grâce à lui avec grande facilité les derniers contrôles douaniers. Nous voilà dehors, avec une flopée d'Intrigants à nous embrasser. Dont Edo, l'actuel directeur du théâtre et Bavon que nous connaissons bien pour avoir travaillé avec lui sur "Kardérah".
Et nous plongeons dans le noir de la ville.
Thierry Crozat
A suivre...
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Aéroport de Bruxelles. A l'embarquement de l'avion pour Kinshasa via Douala, une majorité de blacks tirés à quatre épingles avec des fringues de marque et tous et toutes des têtes sorties de chez le coiffeur il y a à peine cinq minutes. Au milieu de cette faune hautement stylée, comme une erreur d'espace-temps anachronique, trois êtres fabuleux dessinés par Boucq lui-même. Le papa d'abord (j'ai d'abord cru que c'était carrément un proxénète !), la soixantaine bien tapée, chaussures d'été blanches avec chaussettes intégrées, pantalon en tergal à carreaux écossais, la ceinture tenant le bas mais aussi le ventre qui s'affaissait en toute franchise et sans pudeur, la chemise à rayures avec petit col laissant dépasser une joviale et rougeaude tête à moustache et calvitie grise bien entamée. La femme numéro un, en fait la maman (et non pas une artiste de cabaret fellinien comme je l'ai d'abord pensé), donc fraîche retraitée, cheveux brunis et courts, en leggins moulants noirs avec santiags montantes et faux léopard avec chemise du même motif léopard en jersey retenue par une ceinture large et brillante. Avec bien sûr les obligatoires accessoires bling-bling colliers, bagouses et bracelets. En option, un vernis à ongles léopard lui aussi. Et maintenant la femme numéro deux, fille (et non pas la collègue de travail comme j'ai bêtement pensé au début), la quarantaine certaine malgré la couche de maquillage avec une tenue vestimentaire totalement clonée avec la mère ; les mêmes bottes et chemisier léopards sur leggins noirs. Les seules différences ; elle avait mis une jupe jersey léopard et avait une volumineuse coiffure échappée des meilleurs feuilletons américains (les mauvaises langues seront tentées d'évoquer "Mars Attack" mais je trouve ça exagéré) avec tout le bling-bling de rigueur bien entendu.
Nos blacks sortis plus haut des revues de mode s'avèreront être tous des camerounais. Ils descendront avec les léopards à Douala.
Thierry Crozat
A suivre...
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Faudrait comme pour mon précédent cinémoi suffisamment m'étendre sur un premier film pour ainsi éviter d'avoir à parler du second (quoique ça se soit fait par hasard). Je pourrais aussi en rayer un de mon intention. Il n'a jamais été question de causer de tout ce que je vois. Suffisamment de contraintes en ce bas monde pour savoir éluder celles qu'on peut éviter. Mais je trouve intéressant de poser ces deux objets face à face. Tous deux usent à qui mieux mieux des procédés numériques. Le premier pour réinventer un univers, le second pour accroître son réalisme eschatologique. Le premier pour servir un scénario, le second pour le rendre caduque.
Terry Giliam nous emmène dans une écriture alambiquée, échafaudée selon les procédés du conte mais où tout ne se résout pas de façon aussi linéaire. Les pistes se brouillent au fil du récit. Et il met à mal les rassurantes classifications hollywoodiennes : d'un côté les gentils et de l'autre les autres. Il fissure tant et si bien les apparences qu'il ne reste rien de bien ragoûtant au niveau des motivations des protagonistes. Chacun semble bien être le résultat de sa volonté, de son ambition ou de son passé. La liberté ne resterait que dans sa capacité à gagner son indépendance. Un soupçon d'innocence me paraît résister chez le jeune apprenti du Docteur, sincèrement épris de sa fille. Au final le récit est dense et multidimensionnel, tout imprégné de cette folie caractéristique du réalisateur.
Si Terry Giliam peut parfois rendre sa musique un peu surchargée, Roland Emmerich par contre, ne joue que de deux cordes de tout son instrument. La sensationnelle et la sensible. Et s'il maîtrise la sensationnelle nous enfonçant indolents dans nos fauteuils où tous ces effets visuels nous écoeurent jusqu'aux baillements, la sensible est d'un quitch insupportable. J'ai ri à chaque effusion pour être aussitôt saisi de gêne vis à vis des comédiens. Comment jouer ça sans être risible ? Comment ne pas être minuscule, autant dans son jeu que dans sa condition d'être humain devant cette masse d'événements extrêmes. Seul le journaliste indépendant a une attitude tragique vraisemblable (en versant dans la folie). Impossible de gagner un oscar dans un film catastrophe. A moins peut-être d'être un génie. Tout juste possible de sauver sa peau (de comédien j'entends).
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