• S'en aller sur la route libre de tout. Sans souci du lendemain. Sans la moindre inquiétude. Le moindre soupçon d'appréhension.

    Avoir vingt ans. Son bac (on dira comme ça...) en poche et aucune perspective d'avenir. Aucun plan de carrière. Aucun désir d'aucune sorte. Se foutre de tout en quelque sorte. Juste marcher dans la vie en tutoyant la mort, les épaules en arrière et la poitrine éventail. Recevoir crachats et baisers avec la même absence de mémoire. Juste l'envie de s'en prendre plein les yeux, les tripes, le coeur.

    On en parlait ce week end en arpentant les cailloux de nos sentiers valaisans. On en parlait considérant cette époque comme définitivement révolue.

    Pourquoi ?

    Comment passe-t-on de cette inconsciente insouciance à la tempérance des prétendues responsabilités ?

    Le simple fait de devoir gagner sa vie... De constater que chaque chose a son prix et que la prolongation de l'insouciance est une question pécuniaire... Les factures qui nous rattrapent...

    Ou une pernitieuse confusion des moyens avec leur fin ? Une insouciance pour conscientiser ses souhaits et une conscience pour tenter de les reproduire indéfiniment ? Une insouciance pour forger son idée du bonheur et le reste du temps pour lui courir après ?

    Confondre les instants et le temps, le plaisir et le bonheur ? Est-ce la mémoire qui signe l'arrêt de mort de notre insouciance ? Est-ce l'être pour l'avoir ? Même si cet avoir n'a rien de matériel. Est-ce le présent différé ?

    Ou est-ce la peur ? Encore et toujours. A la base de tout cela.

    Qu'on l'accepte ou non.


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  • Mon ordinateur est en panne, me rendant à l'évidence inconfortable de mon addiction...

    C'est donc chez ma nièce de vingt ans que je me trouve aujourd'hui pour consulter mes mails à l'arrachée. Et sur un post-it collé sous son écran je découvre ces petits mots que je vous livre texto :

    "L'amour c'est quand la différence ne sépare plus."

     

    Merci Chrystel ! 


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  • Michel Serrault est mort.

    Ils ont diffusé une émission quelque peu rétrospective de sa carrière mais revisitée par son commentaire sur la Cinquième.

    A un moment donné, comme il abordait son métier et sa manière d'approcher un rôle, il a tiré un parallèle avec la restauration. - Apparemment il avait dû acheter des propriétés vétustes qu'il s'était amusé à retaper. (Donc rien à voir avec la restauration à laquelle vous aviez pensé jusqu'à maintenant...) - Créer un personnage c'est prendre un texte et le dépoussiérer pour en retrouver l'essentiel, les couleurs originelles. Le nettoyer de toutes les scories du temps, de toute son histoire. Retrouver sa nudité... la simplicité.

    N'est-ce pas une magnifique métaphore de la vie-même ? Notre tâche ne serait-elle pas de nous rénover ? Retrouver les couleurs primaires, celles qui étaient là au départ et qu'on a recouvertes, de gré ou de force, au fil du temps. Celles qu'on a masquées de peurs et de principes. Celles derrière lesquelles on se ratatine.

    Je repense à cette phrase de Picasso. "J'ai dû réapprendre à dessiner comme un enfant." Et je crois bien que c'est seulement aujourd'hui que je me rends compte qu'il n'était point là question de technique...


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  • C'était il y a deux jours. Je rentrais tard et une fois la voiture garée coupai le contact. Il n'y avait pas un souffle d'air. Et c'est dans l'apnée de cette nuit, dans ces moments où on croirait que la vie s'est absentée tant elle écoute, que je me suis souvenu de l'olivier de papa.

    C'était un olivier nain que j'avais ramené d'Avignon spécialement pour lui. Il venait de tomber malade et dans ma naïveté j'y voyais tout une symbolique. L'olivier du jardin des oliviers. L'olivier arbre de vie. Ça serait le sien et il l'accompagnerait dans son combat. L'arbre de sa vie, rapporté par son fils en guise d'infaillible thérapie. Je le lui avais tendu tout fier et tout sourire en disant : "Tu vois c'est un olivier. L'arbre du Christ par excellence..." Il a considéré le présent à distance, dubitatif. Encore une bizarrerie. Mais l'attention l'avait touché et peut-être même, qu'étant donné la situation déjà critique, lui avait-elle, au même titre que n'importe quel traitement, éveillé quelque espoir.

    Et en matière de témoignage, cet olivier a été d'une redoutable justesse. Si les miracles n'étaient pas dans ses compétences il n'a pas dérogé au rôle que je lui avais attribué. Dès les premiers jours il a commencé à sécher. Nous avons tout essayé. Intérieur. Extérieur. Engrais. Vitamines. Son état ne cessait de se détériorer. Et nous, nous le regardions, consternés et terriblement embarrassés. Comme davantage concernés par l'état du végétal que par celui de mon père dont la rémission semblait devoir dépendre. Rien n'y fut, il fut bientôt irrémédiablement mort. Et cette mort nous a hantés jusqu'au décès de papa dont elle avait été la prophétie. Quoique nous l'ayons niée de toutes nos forces.

    Mais dans la paix presque apocalyptique de cette nuit, dans cet instant où mort et vie se confondaient, je l'ai revu cet olivier. Il était bien plus grand et bien plus vigoureux que jamais ici il n'aurait pu. Et dans mon coeur, entre les palpables amour et joie de mon papa, ces mots uniques :

    "Tu vois fiston, il est là ton olivier... Et bien en vie."

     


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  • Voilà, je suis au mi-huitième jour de ma cure de désintox au riz complet. Plus qu'un repas aujourd'hui et c'est fort heureux car si psychiquement je taille des bavettes avec Pantagruel en personne, physiquement c'est le Sahara. Mon corps a perdu tout goût à l'aliment et subit les écoeurements provoqués par la remarquable fertilité de mon imaginaire. Car si je rêve de tout, mon estomac s'offense de chacun de mes imaginaires festins.

    Je dois bien constater avec amertume que l'alignement souhaité entre le corps et l'esprit s'effectue avec des écarts majeurs. Mon corps s'est détourné des plaisirs de la table alors que mon esprit se délecte dans la représentation des plats de mes vacances passées et même lointaines, des restaurants visités de ci de là, des expériences personnelles les plus réussies...

    Les premiers jours, Valaisan oblige, c'est au fromage que mes fantasmes accordaient leur primeur, puis dès le cinquième, leur faveur fut davantage prêtée à la viande rouge, grillée à point et saupoudrée d'herbettes aromatiques... Besoin corporel ? Simple délire cérébral ?

    En tout cas, il fut fort intéressant de passer au crible obligé tous mes comportements compulsifs autour de la nourriture. Je savais déjà à quel point il m'était difficile de résister à la convivialité d'un premier verre de vin. Celui-là même qui invite à la désinhibition induite par les suivants. Mais dans le cas présentement vécu, j'ai pu répertorier toutes les manies et habitudes et aussi menus plaisirs, compensatoires ou gratifiants, instaurés au fil des années et autour desquels s'organise mon emploi du temps.

    Et c'est ainsi que je me demande si ce genre de cure ne serait pas idéale pour toute personne désireuse d'arrêter de fumer (par exemple). La limitation d'un aspect essentiel et encore davantage inscrit que la dépendance en question pourrait détourner l'attention du curiste. Ou comment soigner un moindre mal par un mal plus grand... Quoique je craigne fort qu'une fois le rythme antérieur repris, tout le reste revienne avec encore davantage d'insistance.

    Quant à moi, je compte bien retrouver une alimentation aussi variée qu'avant. Parce que merde on ne vit qu'une fois et que mon corps est pour moi bien davantage une merveille à sensations qu'un synonyme de discipline et de rigueur. Avec plus de mesure cependant. Car je ne peux nier me sentir plus léger, moins engorgé et, mais je ne parierais pas là-dessus, il me semble bien que ma cornée soit plus blanche qu'il y a deux semaines...


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