• Ce soir en rentrant sur la route.

    Nonchalamment posé sur un nonchalant panneau à cet effet prévu. Bêêêrk !

    "Le bonheur ne vient jamais seul..."

    Slogan publicitaire sisisi j'vous jure !

    Pour une assurance parole d'horreur d'honneur.

    De quoi mourir jeune.

    Presque.


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  • Outre ces montagnes de papier et ces rencontres impromptues, le salon du livre se révéla autrement générateur d'émotions intempestives. Dans le cas particulier qui va se dérouler sous vos yeux, disons qu'elles étaient souhaitées. Du moins par les expérimentateurs du projet. Personnellement m'en serais bien passé...

    L'Université de Genève tenait pavé dans l'aire des publications. Comme vous l'aurez vu en cliquant sur l'un ou l'autre des deux liens précédents, elle proposait un petit test sur les émotions. C'est peut-être regrettable mais je ne l'ai pas tenté ; après tout il est évident que je suis, pour le meilleur comme pour le pire, un hypersensible : si mes émotions n'ont pas forcément déterminé mes choix, elles en ont chaque fois été à l'origine. Par contre un écran visible de tous projetait en continu des images violentes censées provoquer des réactions émotives. Il y avait notamment une vidéo de happy slamming mettant en scène une adolescente se faisant démonter la face par une joyeuse camarade. Je crois que la violence résidait surtout dans la durée de l'action et l'acharnement qu'y mettait la slammeuse alors que la première était déjà à terre. Ce qui contribuait sans doute aussi à cette montée d'adrénaline était l'immobilisme de ces jambes qui entouraient l'action. Il m'avait semblé qu'une éternité s'était écoulée avant qu'une personne ne fût intervenue. Les autres vidéos n'eurent pas le même impact. Les acteurs des rixes suivantes paraissaient de forces plus égales ou les images étaient plus conformes à ce que les télés nous balancent à longueur des flashs d'info.

    Je crains dès lors que la raison du succès de ces passages à tabac réside justement dans cet aspect inquiétant. Il y a une telle banalisation de l'image, de la violence imagée qu'il est de plus en plus difficile de susciter des émotions. Ces happy slamming parviennent encore à soulever quelques vagues dans cette mer d'indifférence. A pallier quelque peu ce défaut d'existence. A soulever un pur sentiment d'injustice. (En ce qui me concerne.)

    Comment notre occident embourgeoisé a pu en arriver là ? Le culte de la réussite ? Le conformisme de la légalité ? L'anesthésie des émotions issue de cette surabondance d'images ? L'ennui généralisé ? En tout cas je me réjouis de lire les résultats des recherches sur tout ça. Car il paraît bien que nous sommes tous des malades des émotions et que nous le manifestons au travers de nos dépendances. Avais compulsé en son temps un numéro spécial de Sciences & Vie (n°232) sur la question. Très intéressant. 

    Comme vous avez pu le saisir, cette tentative de face nord avait déjà mis en place les difficiles conditions qui furent mon lot sur la paroi sud.


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    Vendredi. Errance dans les allées aux murs de papier du salon du livre de Genève. Auteurs, titres, volumes, quatrièmes de couverture... jusqu'à la nausée.

    Gens en piquets de slalom. Gosses en slalomeurs fous.

    Vendredi. Jambes déjà en bâtons de ski, yeux au brouillard quand le bleu glace de l'enfant bleu de Bauchau m'attire dans la béance de sa crevasse. Je le regarde sans le toucher ce dernier livre reçu en guise d'épitaphe amoureuse. L'inévitable visage le l'être aimé dans les brumes de la mémoire et les boyaux stalagmites. "Eh bien c'est pas demain la veille que pourrai lire ce bouquin..." Que me dis. M'extrais tant bien que mal à coups de piolets d'une hypothermie annoncée, quand de derrière cette étagère aux prises rares, et comme sorti du livre lui-même : le visage de l'être aimé. En vrai, l'haleine chaude des oasis au bout du sourire et le petit tonneau des remonte-coeurs autour du cou.

    Hallucination réelle. Stupeur de l'archéologue qui aurait découvert Otzi. Articulations en flocons de neige. Et en même temps l'espoir de ces sommets enneigés loin de tout. Loin surtout de cet endroit aux métaphores alpines mais sans eau.

    Vendredi. Avalanche de poudreuse de plein fouet jusqu'au fond des narines. Jusqu'au cerveau. Jusqu'aux ventricules.

    Mains qui se serrent. Yeux-yeux. Proche-loin au dedans. Puis au dehors ces sentiers qu'il faut continuer d'arpenter mais séparés désormais.  

    Vendredi. Rendu à moi-même. Le coeur trop gros pour ma poitrine... et Richard Desjardins en amplitude.


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  • Chaque fois que je vais à Genève, je dors chez une amie magnifique qui a la générosité de me dépanner en ces périodes d'absolue pénurie.

    On a installé une mousse dans la chambre de son fils de neuf ans sous sa mezzanine.

    L'autre soir en rentrant, je découvre un petit mot sur la porte : "Vous serez trois cette nuit. Prends garde de ne pas te tromper de couche."

    Il y avait effectivement un deuxième enfant endormi sur une nouveau lit improvisé et placé à côté du mien. L'espace devenait bien étroit mais je dois avouer que j'adore. Autant cette situation me déprimait les premiers temps, autant je trouve jubilatoire de me retrouver ainsi posé dans l'éphémère et l'incertain.

    Mais il se trouve que si, les nuits précédentes, j'avais déjà pu constater les rêves sonores et brouillés du propriétaire des lieux, j'ai pu cette fois-ci remarquer les réponses chantées du nouveau pensionnaire.

    N'ai pu m'empêcher de tirer un parallèle douteux entre notre situation et celle des opprimés de la terre. La plèbe serrée sur le sol à chantonner et le pouvoir les dominant occupé à vociférer.  

    Les propriétaires écrasent et les esclaves... inventent le jazz.

     


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  • N'ai pas de meilleure illustration, ne savais bien pas que me retrouverais dans cet espèce de traquenard. Viens de me payer un appareil photo mais quand on a vécu sans pendant trente ans on n'a pas le "reflex" intelligent. Si j'ai mon fixateur d'images sur moi je ne trouve jamais qu'un seul objet vaille un cliché et bien sûr quand il y a des instants que je voudrais immortaliser je n'ai pas mon appareil à portée de clic. Donc voilà... Merci google.

    Lundi passé, 23 avril, c'était la fête de la St-Georges, patron de la commune valaisanne de Chermignon. Chermignon a la particularité d'être traversé par la route cantonale comme une lance le ferait d'un dragon. Et le jour de sa fête (dont vous trouverez toutes les croustillances sur le blog d'Alain Bagnoud) la route se trouve par intermittences fermée. C'est bien sûr lors d'une de ces intermittences que j'avais besoin de le traverser. C'est ainsi stoppé que j'ai quitté ma parenthèse de tôles pour me mêler un peu à la maigre foule présente. Car ce genre de manifestations a surtout la vertu de mobiliser les différentes sociétés locales. Elles recrutent tant de gens qu'il ne reste plus grand monde pour une assistance fournie. De plus, comme la journée n'est pas chômée extra-village, on y voit surtout les vieux du coin.

    Premier pincement : tous ces visages de mon père. Une certaine paix dans ce temps laissé aux autres, aux suivants, à moi. Un passé vécu au présent par le rituel immuable d'une fête traditionnelle. L'odeur du foin qui monte au nez. L'humidité sombre des veilles caves. Les doigts noueux. La peau tannée. Ramuz. Rilke.

    Heureusement, pour balayer les nostalgies il y a la réalité des autorités communales, qu'elles soient militaires ou politiques. D'ailleurs elles vont souvent de pair en Valais : même flatterie de l'ego... Il y a aussi les fanfares dont le son des instruments à vent ne m'a jamais vraiment touché (à moins que ça ne soient les uniformes) et qui sont la représentation tangible des oppositions des deux partis principaux de Chermignon : les blancs et les jaunes. Une fanfare par parti. Luxe ou gaspillage ? Et il y avait aussi les anciens grenadiers.  Même goût du costume, rouge en ce qui les concerne, avec ce petit plus en moins que les grenadiers ne font rien. Hormis de porter un fusil de 14/18, de le bourrer de poudre en cadence et de nous balancer une monstrueuse détonation à plein tympans. 

    Deuxième pincement : retour de mon père. Dans la violence d'une bête détonation de mousquetons à l'unisson. Abstraction de l'amusante et mâle fierté des porteurs d'armes. Juste l'oppression de poitrine provoquée par l'explosion. Ou : quand le physique détermine l'émotionnel. Papa parti de l'autre côté. Mais pas papa tout seul. Papa et son époque qui va avec. Papa et tout ce que je ne suis pas mais quand même quelque part comme un regret. Comme un respect. Comme une envie de pleurer. De dire je t'aime.

    Loin de moi l'idée de défendre ces rendez-vous conservateurs ni de les montrer du doigt. Ils ne sont ni nécessaires ni inutiles. Tant que certains y trouvent leur compte... Si les traditions se conjuguent au passé elles ne figent rien.  Mais si c'est défense d'un patrimoine, c'est aussi souvent fermeture d'une ouverture. Et là c'est juste le pouvoir en place qui sauve ses intérêts, qui s'inquiète de ses avoirs. La droite quoi.

    Quant à moi l'addition de ces deux éléments : les rides et le coup de feu, m'a aspiré hors de tout ça, là-bas vers la matière brute, vers le granite des montagnes, l'eau des ruisseaux, la naissance et la mort, le permanent. Puis on a ouvert la route. Me suis remis entre parenthèses mais bien dans le temps. Avec le retour des choses à faire. 

    Et papa au coin du coeur.


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