• Il peut être surprenant de constater à quel point il est difficile de cesser de reproduire ses schémas, mais il est probable que ça soit par simple instinct de conservation.
    Trop de lumière trop vite peut provoquer une cécité irréversible. Même si on l'a souvent vu : l'aveuglement peut rendre voyant.

    Mais avant d'être une observation, un constat ; la lumière est une attitude, une conscience. Tout est là, à l'intérieur. Il suffit de s'ouvrir.
    Par contre cette ouverture exige constance, discipline et lucidité.

    Il est si simple de céder au piège des lumières artificielles. Elles sont légion. Plus nos yeux se complaisent de nuit, plus ils sont sensibles à ces lueurs plus fades mais plus rassurantes qui paraissent souvent plus accessibles, à portée de main.

    Seulement le verre de leurs ampoules n'a pas de porte. On s'y consume en vain, rendus aveugles à notre propre lumière.


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  • Pénétrer dans la zone interdite de la tendresse des morts qui s'étreignent dans leur boîte... Aspirer à ces joies sans mesure qu'un souffle disperse et prendre conscience de la porosité des êtres et des choses. De cette présence au-delà de toute vision éclatée. Tam-tam souterrain annonçant le retour aux sources de la mémoire. Je vous parle de paradis perdu, d'immortalité... Les morts se caressent entre eux. Jouissent. Jouent aux dominos. Contemplent la partie creuse de l'univers. Les vivants s'étreignent dans leurs boîtes vitrifiées dont les parois se liquéfient au soleil. Les vivants et les morts ont les mêmes sursauts d'abandon. Les mêmes pulsions incontrôlées. La même angoisse rouge. Le même besoin de sentir que leur demeure leur appartient. Où va le monde ? Où allons-nous ? Monter ou descendre d'un étage... S'allonger sous les pierres muettes ou crever le dernier plafond à la fin d'un jour de plus ou de moins... Et les yeux clos, rêver... rêver à cette étreinte ultime à laquelle nous n'aurions de toute façon jamais succombé. Et les lèvres enfin scellées, improviser des poèmes d'amour pour les plantes et les pierres qui jusqu'au bout partageront notre dernier sommeil.

    Vital Bender

     

    Alain Bagnoud vient de publier en deux parties (1 et 2) un texte de Jacques Tornay sur Vital Bender.


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  • Ainsi il apparaît que contrairement aux apparences rien n'est figé ; rien n'est immuable. L'identité elle-même n'existe pas. Le "je" n'existe pas. Ce qui existe est voué à la disparition et ce qui renaît n'est pas ce qui a disparu. Même si la ressemblance est irréprochable, ce n'est pas ce qui était. C'est ce qui découle de ce qui était, c'est sa continuité. Et déjà ce n'est plus qu'un souvenir, qui lui-même n'est plus qu'un souvenir. Un souvenir, du souvenir, du souvenir, du souvenir... d'un déjà passé, dans un vertige hallucinant, infini et multidimensionnel. Tout est changement. L'apparence est une illusion, l'immobilité une impossibilité. Ces doigts qui courent sur ces touches ne sont déjà plus les mêmes doigts et déjà ces touches ne sont plus les mêmes touches. Cette personne de qui je suis tombé amoureux n'est déjà plus la même personne. Je ne suis déjà plus amoureux de la même manière. Je ne suis déjà plus le même. Ce sentiment éprouvé et qu'on voudrait éternel a déjà fui au loin. Cette sensation reconnue infailliblement comme agréable est déjà perdue. Et voilà que pour récupérer ce qui nous a échappé avant même que nous l'ayons appréhendé, pour combler ce trou qui bée de plus en plus, pour retenir cette barque que le courant emmène ; nous créons des images idéales censées maintenir le mythe des premiers instants. Qui lui aussi changera, changera constamment, se réajustera constamment pour maintenir le leurre d'une réalité qui nous déplaît. Puisqu'elle n'existe pas. Sinon dans une évolution.


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  • Faut-il céder aux sirènes médiatiques qui partout hurlent les mérites d'un publiciste reconverti ? N'est-ce pas par les autoroutes décriées qu'il parvient sur notre table de nuit ? Et ne devrait-on pas pour valider sa dénonciation du système le bouder superbement ?
    Sans aucun doute. Mais comme personne ne m'avait lié au mât de l'indifférence je me suis échoué sur les récifs du prêt-à-porter de la littérature.
    J'avais vu "99.-fr" mais à part ses chroniques que j'aime lire dans "Lire" je n'avais rien lu du personnage. Cependant il s'est suffisamment illustré pour qu'on soit tenté de le cataloguer quelque peu. Le piège à double tranchant des figures médiatisées. On parle de nous mais notre image nous échappe. On parle de nous comme d'un étranger et pour nous reconnaître il faut correspondre à cette image. Surtout si nous dépendons de celle-ci. Et Beigbeder s'identifie-t-il suffisamment à son image pour qu'il nous faille nous aussi l'y identifier ?  A cette image de beauf moderne au costard de marque impeccablement taillé mais cool, à cette tenue nonchalante mais calculée, à cette barbe naissante négligée mais étudiée, à cet air à la fois supérieur et humble, hautain et engageant, méfiant et implorant, avide et craintif, bref... un peu perdu entre ce qu'il aimerait être, ce qu'il craint être, ce qu'il se défend d'être et ce qu'il ne sait pas qu'il est ? Peut-être. Mais point n'est ici le propos de débattre de l'opposition entre le Beigbeder privé et public. A lui de surmonter la schizophrénie dont il est peut-être aujourd'hui la victime.
    Malheureusement quand on pratique l'autofiction, on surmonte son privé en public. Et forcément il m'a été difficile d'éluder l'auteur. Cela a-t-il entaché ma lecture ? Sans doute à un niveau.
    Beigbeder s'est fait arrêter sur la voie publique à cause d'un acte qu'il aurait dû commettre en privé. A savoir se sniffer une ligne de coke sur le capot d'une bagnole de luxe. - Mais sans doute que la bagnole était trop difficile à rentrer dans son salon. - Comme c'est un personnage public, on a voulu en faire un exemple et on l'a gardé plus que de raison. Beigbeder part de ce fait pour revisiter son enfance dont il veut s'expliquer l'absence de souvenir. C'est l'aspect le plus splendide du roman. Les énumérations de marques à la Oskar Wilde quand il se perd dans ses gemmes (Dorian Gray) m'ont un peu excédé, sinon je l'ai trouvé sensible, honnête et très juste. De plus j'ai apprécié ce voyage dans ma propre adolescence.
    Quant au prétexte - le compte rendu de sa préventive - j'ai eu ma foi un peu de peine et n'ai pu éviter le parallèle avec une Paris Hilton en larmes suite à son incarcération pour avoir fait pipi dans un caniveau. Il voudrait trancher à la zorro, mais il faudrait qu'il évolue masqué parce que là, il parvient juste à frapper dans le vide. Et si maladroitement que ça ne m'étonnerait pas que sa lame finisse sa course dans un quelconque endroit de sa propre chair.


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  • Et c'est sur ce phénomène insupportable d'anarchie de la volonté que se base la leçon du jour (cf ici articles précédents).

    Que sait-on de soi ?
    Il y a ces choses du corps que l'on contrôle et aussi toutes ces autres qui se font malgré soi. Certaines heureuses comme le fait de respirer ou les fonctions des organes internes et d'autres moins comme ces douleurs de source inconnue ou quelconques dysfonctions.
    Que sait-on encore de la matière qui nous constitue ?
    Plus ultimement, tous nos systèmes sont formés de cellules spécifiques. Elles-mêmes sont formées d'atomes qui eux-mêmes sont formés de protons, d'électrons, de neutrons. Qui eux-mêmes sont formés d'espace vide et de particules subatomiques. Qui elles-mêmes sont à la frontière de la matière puisqu'elles n'ont plus de réalité solide. Elles apparaissent et disparaissent continuellement, créant une sorte de vibration. On peut scientifiquement observer ce phénomène grâce à une "chambre à bulle". On découvrit ainsi que ces particules mouraient et naissaient 1022 fois par seconde.

    Sans "chambre à bulle" le Bouddha fit l'expérience de ceci. Je doute qu'il s'amusa à dénombrer les apparitions et disparitions mais il en eut la prescience. Et ceci est très important pour la suite car il en va de même pour notre esprit. Tout apparaît et disparaît avec la même fulgurance et nous ne l'appréhendons pas davantage que pour la matière. On pense connaître son esprit et on ne peut s'empêcher de penser à tout va.
    De son expérience, le Bouddha définit ainsi le fonctionnement de l'esprit : Premièrement quelque chose nous apparaît, nous touche. Deuxièmement il y a identification de cette chose qui aboutit troisièmement à l'évaluation de cette chose ; son classement selon qu'elle est agréable ou non. Et en dernier lieu apparaît le désir soit de prolonger la sensation, soit de l'interrompre.


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