• Comme je n'arrivais pas à me motiver pour partir, j'ai avalé "La cinquième montagne de Coelho". J'en parlerai dans lité-raclure. Puis vers 16h, le brouillard s'étant bien dissipé et le soleil paraissant rentré de vacances, j'ai enfilé mes chaussures encore humides.
    La balade fut un vrai bonheur. Malgré un sol spongieux et glissant je voltigeais de bonne humeur.
    Les Outanes sont encore bien enneigées et mon campement...
    J'ai d'abord cru qu'on avait dérobé ma tente. Elle était complètement écrasée sous le poids de la neige. N'émergeait qu'une partie indistincte et torve, à la moitié de son développement normal. Ma pelle à terreau trouva enfin une utilité. Métamorphosée en pelle à neige je lui rendis grâce de se trouver dans mon sac. Comme quoi rien n'est désespéré. Il suffit juste de connaître son domaine de prédilection. Tôt ou tard il se révèle.
    Le dégagement a pris du temps. La face sud ployait sous au moins cinquante centimètres. A l'intérieur : miracle ! Si le sol était trempé, mon matelas dégonflé mais étanche isola couverture et sac de couchage. C'était l'essentiel. Les piquets étaient bien maillés. D'une jolie courbe régulière, conséquence d'un office patient mais efficace ; un flocon après l'autre qui se sont donné la main.
    Ma période sous tente est bien terminée. Maintenant que je m'étais habitué aux bruits et à la température...
    Mais à 2500 mètres c'était un risque et c'était super quand même. De plus tout concorda à merveille. Quand la cabane était occupée j'étais sous tente et quand les conditions s'y opposèrent c'était un temps si décourageant que j'ai eu la cabane à mon entière disposition.
    On verra ce que me réservent les derniers jours.


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  • Chute du soleil dans le caniveau
    - c'était un rêve -
    le soleil s'accroche désespérément à un membre qui flotte
    un membre de femme sans doute :
    on le reconnaît à ses doigts crochus
    crispés désespérément sur une boule de verre ou de feu
    crispés désespérément
    sur un visage sans douceur.
    Qui flotte à côté de lui ?
    Il pleut.
    Il pleut toujours sur ces histoires de soleil au ruisseau et de membres de femmes
    assassinées sans doute en plein sommeil
    et que la mémoire restitue par fragmentation.
    Tous les yeux clos toutes les gouttes de pluie
    derrière une fenêtre circonstancielle se ressemblent.
    Toutes les mains qui flottent sur une eau tranquille
    sur les toits des mosquées
    sur les châteaux de sable.
    Toutes les bouches qui rient ou qui mentent
    et qui n'appartiennent à aucun visage
    pas plus que ces visages n'appartiennent au jour
    ni le jour à ce soleil crochu
    crispé désespérément sur un morceau de jambe ou de bras
    de femme poignardée en pleine nuit
    en pleine jeunesse folle...

    Vital Bender


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  • Météo-Suisse est décidément complètement à l'ouest. Rien ne s'est ouvert hier. Il a flotté toute la nuit.
    La neige s'accroche à la verdure. Il fait un froid de canard. Aucune excursion possible aujourd'hui. Et même si ça se dégage dans l'après-midi, le Mt-Bonvin sera demain encore impraticable. Le jour 9 est ma dernière chance mais c'est le jour où j'avais prévu de plier bagage, faire le trajet jusqu'à la cabane pour y déposer la couverture et y passer la nuit avant de redescendre dans l'après-midi du dernier jour.
    Une autre solution serait donc de réduire le campement aujourd'hui, sécher tout ça à la cabane, prévoir une course tranquille pour demain et Mt-Bonvin, Sex Mort, Plaine morte, descente dans les Outanes par le pierrier, remonter le col de la Roue pour atterrir à la cabane. Huit heures de marche pour conclure en beauté.
    Une dernière solution serait de ne passer par la cabane que le dernier jour ; donc sans y passer la nuit. Mais cela exigerait que la tente ait résisté. Ce qui me surprendrait fort. Et pour le vérifier il faut s'y rendre sous ce temps de chien...
    Au moins je suis reposé et l'humeur est remontée de quelques degrés. Les deux visages qui dansaient autour de ma tête hier soir ont réintégré leur territoire. J'étais étendu sur ma couche et je distinguais clairement sur ma gauche un René-Claude qui éructait des borborygmes incompréhensibles à la vitesse de la lumière et d'une voix filtrée à l'hélium alors qu'à ma droite, un autre René-Claude enchaînait les grimaces les plus incongrues avec une dextérité hallucinante ; jusqu'à ce que le sommeil me gagne.


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  • Puis j'eus soif.
    J'avais fait le deuil de l'eau
    de la neige qui fond
    des larmes sans retour
    le deuil des torrents et des sources.
    Un visage grimaçant
    un reflet sans support
    une longue tige d'heures
    des yeux embués
    dont aucun ne m'appartient.
    Une certitude
    une autre certitude
    au-delà de laquelle...
    une vision floue
    une autre vision floue
    une autre essence
    une autre démesure...
    Et cette perspective toujours brouillée
    au fond d'un lac au fond
    de n'importe quel point d'eau...
    Une autre soif !
    Un autre brasier à vif...
    En pure perte...

    Vital Bender


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  • C'est en vain que j'attends les éclaircies annoncées et je taille la route sous la neige, la pluie, la neige. Les pieds dans la boue, les flaques, la neige, la boue.
    Je suis à la cabane du Plan, unique pensionnaire. Dehors le vent souffle et le brouillard masque tout. Loin au-dessus de la plaine, on devine un ciel bleu. L'alpage est piqueté de blanc.
    J'ai le cafard. Ma tisane "Jambes légères" n'allège pas ma tristesse. Je ne sais pas à quoi elle est due. Peut-être à la pluie, la boue, la neige, la pluie ; associés à une fatigue qui trouve enfin logiquement son nid.
    Envie de rien. J'ai déjà bien travaillé, en cabane puis en déplacement. Peut-être faut-il simplement se coucher, accueillir la tristesse avec bonheur. La recevoir avec la même grâce que pour la joie qui me fut coutumière jusqu'à ce jour. La savourer. La savoir volatile... Puisque comme tout en ce bas monde ; elle passera.


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