• Je contemple des débris sur la moquette.
    Tête éclatée !
    Mais c'est le monde qui a volé en éclats !
    Partout des débris et des fragments
    fragments de crâne fragments de miroirs de pendules
    fragments de mon être
    fragments...
    Eclaboussures de cervelle
    contre les murs...
    Fin du cauchemar !
    Je t'aime !
    Brisures ! fêlures !
    Ne cours pas si vite !
    Que fuis-tu ?
    Reviens !
    Laisse-moi te contempler encore sur cette moquette
    qui a gardé la fureur de ton corps dans ses plis.
    Laisse-moi encore dévorer tes vers luisants
    ceux qui s'écoulaient de tes narines
    de ta bouche
    de ton sexe
    grappiller entre les poils de ton pubis qui se dresse
    les poux de ton plaisir.
    Pourquoi cours-tu si vite ?
    Qu'est-ce qui est si loin ?
    et si proche de ta vérité ?
    De qui est-ce que je parle ?
    Toile lacérée de coups de couteau !
    Poème au ruisseau !
    Statue brisée !
    Mon amour !

    Vital Bender


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  • Il était un homme perdu parmi les hommes perdus autour de lui
    Qui cherchait ses pas sur les voies contradictoires de réflexions incertaines
    Attentif aux rides de ceux qui avaient vécu
    Sensible aux larmes de ceux qui avaient cru
    Il lisait patiemment le livre qui s'écrivait
    Au fil de ses journées
    Aux courbes de ses réponses
    Les réponses ne manquaient pas
    Saisies ici
    Entendues là
    Elles forgeaient les couleurs des choses qu'il ignorait
    Insensé penserez-vous que de connaître le sens de questions effacées
    Lui-même n'y songeait guère
    L'essentiel n'était pas la sagesse mais l'illusion
    Car si le temps n'était pas soumis à l'espace
    Ni l'espace au temps
    Lui l'était à tous les deux
    Il fallait bien compenser le malaise
    Issu de son plénoasme
    La vie


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  • Les pays salles d'attente.
    Au-delà de la violence des bidonvilles et puisqu'il paraît que le cerveau fonctionne par associations au connu, j'ai revu cet ennui caractéristique des pays du tiers-monde, quand le désoeuvrement conséquent à l'absence de perspective abandonne les gens dans une passivité sans borne. Attendre comme un Corse antédiluvien l'avènement de la catastrophe, de l'inimaginable qui galvanisera la torpeur en lueur de vie. Il n'y a rien à faire, rien à espérer. Au Maroc où j'ai vécu, des gens s'asseyaient au bord des routes, aux murs des maisons et attendaient. Quoi ? L'occasion. La mort. Ce temps après lequel on court ici, là-bas ils l'écoutent couler. Grain après grain.
    Ainsi si on se prend à rêver, premières démangeaisons de la gangrène, on rêve de partir. "Là bas, n'y va pas" où quand tout est impossible tout paraît possible. Il y a cette fille qui du Honduras devra traverser le Mexique pour passer la frontière et qui croisera le destin de Casper, un jeune Mexicain qui a cédé à la tentation de la mafia pour se sortir de la misère. Le film permet ainsi une incursion dans le cloaque des gangs où les leaders maculés de tatouages vous ragent de dents. Ils ne connaissent de loi que la leur. Casper devra les fuir pour avoir tranché la jugulaire de l'un deux. S'ensuit une chasse à l'homme qui rapprochera les adolescents.
    Le scénario est bien fagoté et palpitant jusqu'au bout. Je garde des réserves quant aux rôles des jeunes filles. Il y en a deux. La première, petite amie de Casper, à cause de qui il commettra son crime et la deuxième, la Hondurienne citée plus haut. Sans doute ai-je oublié à quoi ressemble une adolescente mais quand même, je les ai trouvées particulièrement chieuses. Fières, impulsives, inconséquentes. Bref, à gifler. J'ai donc estimé un peu réducteur de retrouver ces mêmes qualités chez ces deux personnages. Mais sans doute est-ce moi qui ne suis plus dans le coup. Ou qui s'illusionne sur le fait que femmes elles ne sont plus ainsi.


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  • Enfin le terme de cette infinissable journée se laissa entrevoir dans un lointain accessible. Je pourrai bientôt enfin dormir, m'abandonner, récupérer pour de vrai. Car il est hors de question de vivre une deuxième journée identique. Je veux que mon "opération chirurgicale" fonctionne et j'ai l'impression d'avoir gaspillé ma première journée.
    C'est l'heure de la conférence. Le moment de retrouver cette voix de prédicateur anesthésié. Et ce fut un grand moment, un moment fou où presque tous les phénomènes vécus durant la journée étaient exprimés avec une précision d'apothicaire. La difficulté à rester concentré, le constant afflux de pensées aussi logiques que farfelues et les attaques de paupières. Tout y était décrit comme si j'avais vécu là, dans un conformisme attendu, ce qui se produit indifféremment des âges et des individus, des lieux et des sociétés. Ces efforts que je voulais garder secrets non seulement étaient connus mais en plus prévus. Seulement il ne fallait pas céder. Si un seul dormait tout le centre risquait - par le relâchement que cela pouvait induire - de dormir aussi.
    Sinon on nous parla des origines de la méthode Vipassana. Elle date de vingt-cinq siècles et a été initiée par Siddharta Gotama dit l'Eveillé : Le Bouddha. Dès qu'il a atteint la libération, il a consacré sa vie à transmettre son expérience qu'il appela la voie du Dhamma, de la loi de la nature. Fruit de sa recherche sur la souffrance et le moyen de l'éradiquer.
    Il apparaît que la loi de la nature est personnelle, son expression est propre à chacun et est liée au vécu intime de chaque individu. Par contre son moyen d'accès est universel. L'introspection nous permet de prendre conscience et d'observer nos fonctionnements, nos conditionnements, nos réflexes émotionnels, les systèmes que nous avons inconsciemment appris à mettre en place pour paradoxalement éviter la souffrance. En la voyant, nous apprenons à les déconnecter, à les laisser se dissoudre. Nous apprenons à nous détendre et à voir les choses telles qu'elles sont.

     


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  • Aventure eschathologique d'un homme et son fils en route vers la mer. Un but. Une creuse raison de continuer dans un monde en ruine où plus rien ne demeure que les instincts primaires. La survie. Pour la plupart à tout prix. Toute forme de vie semble avoir disparu hormis celle de quelques survivants s'étant réunis en clans cannibales pour retarder un inéluctable pourtant de loin préférable à cette existence réduite aux souvenirs.
    L'intérêt du film réside en cela. Ce qui était et qui n'est plus. Il y a bien ces rencontres insanes qui ponctuent une intrigue nivelée à l'image de ce qu'est devenu le monde. Vide et plat. Sinon rien. Même pas l'espoir que les choses puissent reprendre dans un hypothétique avenir. La route est une vaste allégorie de la perte. La perte de la civilisation, des valeurs, d'une morale, des croyances, de la paix, de ceux qu'on a aimés. Pour Viggo Mortensen qui crève l'écran il s'agit de la mère de son fils. La femme qu'il a aimée. Qu'il a perdue. Cette femme pour qui le courage était de disparaître alors que celui de la morale du héros était de continuer, au-delà de la peur et la souffrance, jusqu'à ce que la nature nous désigne.
    Ainsi, cette douleur l'habite jusqu'à l'agacement du spectateur comme une émotion qui l'assurerait d'encore appartenir à un vestige d'humanité. La douleur encore préférable à l'étouffement des émotions. La douleur encore préférable à ce monde-là.

    Combien sommes-nous dans le nôtre à préférer celle-ci aux ouvertures que nous offrent encore la vie ? A choisir une souffrance qui nous paraît plus conforme à la vision que nous gardons de nous-mêmes plutôt que de nous diriger vers des joies qui nous transfigureraient ?

    Malheureusement donc le film traîne en longueur, évite difficilement les poncifs relatifs au genre, les images n'ayant pas la capacité de creuser des abîmes comme j'imagine que le fait le roman de Cormac Mc Carthy dont il s'inspire. Il aurait pu être traité en court-métrage et peut-être gagné en intensité. En tout cas pour moi il était trop long pour ce qu'il avait à dire. Ou trop linéaire.


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