• Tant est que je suis bien content de voir poindre un matin que j'accueille avec le courage d'enfin soulager ma vessie.
    Il fait encore frais. Après un petit déjeuner et une inspection de matelas, je me lance en quête de feu. Un torrent à traverser, un pierrier à escalader et une longue descente dans les pâturages du Plan jusqu'à la cabane du même nom. La cabane sera vide et je décide d'y passer la nuit. J'estime avoir suffisamment marché pour un deuxième jour étant donné les tenaces courbatures dues à la montée d'hier. Je pourrai compenser dans la soirée le temps pris en bavardages dans la journée. Et puis bon... surtout il faut avouer que j'ai peur d'avoir froid, et le matelas, et les bêtes. Bref, demain sera assez tôt. Par contre je m'engage à ne pas faire de feu et à dormir fenêtre ouverte. Parce que qand même faut pas exagérer... et peut-être qu'une courte acclimatation suffira.
    Je charge une couverture dans mon sac. C'est une précaution qui ne sera pas du luxe.

    J'ai eu tout aussi froid en cabane. Moins longtemps mais tout autant. En fait c'est le temps nécessaire pour que le sac prenne la température du corps. Comme il faisait tout de même bien plus chaud ça a duré moins longtemps. Je crois que le truc c'est de se coucher avant d'avoir eu le temps d'avoir froid. On verra ce soir.
    La nuit fut donc plus reposante quoique peuplée de cauchemars, dont un qui mettait en scène mon metteur en scène. Rien d'étonnant puisque je pense à Oedipe les 3/4 de mon temps ici. C'était ce que j'appelle un cauchemar cadeau. De ceux qui révèlent une peur profonde. Que je connaissais d'ailleurs mais que je ne savais pas si ancrée. Une véritable aubaine pour mon personnage en fait : Thèbes est démuni face à la peste et doute de ce roi qui n'a pas encore l'air d'avoir de solution.


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  • Je me mets au travail les quelques heures avant que le soleil ne se couche.
    Technique physique et vocale puis outils d'interprétation pour Oedipe Roi. C'est lui qui m'a amené dans ce lieu austère et retranché. Je pensais pouvoir y trouver l'ampleur et l'âpreté qui lui manquent. Je ne me suis pas trompé.
    Une fois le soleil couché, le froid est aussitôt au rendez-vous. Il vaut mieux ne pas tarder. Je vivrai ces dix jours à son rythme. Seulement mon super tout neuf sac de couchage confortable à zéro degré et viable à moins douze ne parvient pas à réchauffer mes extrémités déjà refroidies. Je frissonne une grande partie de la nuit et je suis certain qu'il fait bien plus de zéro. J'appréhende le pire en cas de baisse de température car je suis bien conscient que ça peut vraiment être bien pire. Ça m'énerve. Ce qui peut-être fait partie de leur système d'évaluation car ça me réchauffe un peu. Je suis sûr qu'ils font leurs tests sur des morphologies à la Mike Horn, laissant congelés des organismes comme le mien conditionnés sous régime tempéré tout au long de l'année.
    Autre souci : mon matelas gonflable se dégonfle et me laisse au contact d'un sol glacial toutes les heures environ. (j'ai trouvé au matin du deuxième jour le responsable à quelques millimètres de l'embouchure. Irréparable évidemment.) En outre, je me suis offert quelques frayeurs splendides, dues à des animaux inconnus frayant autour de la tente. L'incongruité de ces déplacements m'a cueilli en état de demi sommeil, à cette frontière de l'inconscience, à cet abandon de la raison, à l'émergence des schémas enfantins, mythologiques, ataviques. Pulsations incontrôlables et frénétiques, celles primaires de l'instinct de survie, très efficaces car me laissant indéniablement alerte puisqu'à la limite foudroyé. Jusqu'à ce que la raison tempère un peu tout ça. Quoiqu'avec peine car les mouvements d'un objet non identifié derrière un millimètre de toile en pleine nuit et loin de tout c'est flippant. Et on a beau savoir que le diable est dans sa tête, que l'ours est honni dans les Pyrénées et que le loup préfère les chaperons rouges.


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  • Temps agréable, plutôt chaud quoique passablement couvert.
    Un sac de 30kg au chargement paraît déjà lourd (enfin dans les limites de ma relativité). En course ce sont les hanches qui accusent le coup, spécialement la gauche. J'évolue lentement, marque des pauses régulières. J'ai un besoin de tout observer autour de moi, de me remplir de chaque relief. Puis une fois dans le vallon où je veux poser ma tente, il s'agit de reconnaître le lieu idéal. Après quatre heures de marche et de nombreuses évaluations, un endroit me paraît adéquat : plat, à l'abri d'éventuelles chutes de pierres, des vents nord et ouest et situé sur le versant sud, sauvage et hors des sentiers battus. En cas de pluie prolongée je crains par contre que quelques rigoles y convergent. Je ne vois rien de mieux pour l'instant et j'ai une pelle miniature et pliable pour parer à ce genre de problème.
    Quand je veux m'en servir une fois la tente montée, je constate aussitôt son inefficacité. C'est un joujou inopérant sur ce genre de sol au réseau de racines ténu et épais. De plus elle ne peut se maintenir ouverte et m'a entaillé en se refermant inopinément. C'est à peine un outil à terreau.
    Un ruisseau s'écoule quelques minutes plus loin. Si le soleil brille, une toilette à l'eau glaciaire à 2500m d'altitude est une expérience plutôt amusante. Par temps couvert je ne serais pas téméraire.
    Le contact des éléments sur ma peau est si plaisant que je repousse le rhabillage. Ce sont des moments si rares de nos jours dans nos sociétés. Je ne dénoncerai pas notre confort ; les conditions pour qu'un tel moment soit agréable ne sont pas si souvent réunies. D'ailleurs une fois tout organisé, je réalise que j'ai oublié le feu pour mon réchaud à gaz. Je suis à deux heures de la cabane la plus proche : je connais déjà ma course de demain. ./.


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