• Pour rassurer ma mère qui s'angoisse dès qu'il s'agit de montagne, j'avais promis de lui composer un sms au terme de chaque journée. Au moment de m'en acquitter, je ne parviens pas à mettre ma main sur mon téléphone. Et je retourne mon sac et mes souvenirs en vain. Le plus probable est que je l'aie oublié à la cabane. Impossible d'y retourner. La nuit tombe et j'ai déjà cinq heures de marche dans les pattes. Je l'imagine désemparé ameuter pompiers et Rega.
    Voilà le geste manqué par excellence. Pour moi, même si c'était de bon coeur, c'était céder par complaisance à un caprice que d'accepter de jouer ce jeu. Si je me blesse je peux appeler, si je me tue rien ne presse.
    De plus, on s'habitue d'abord à imaginer le pire avec ce genre de procédé. L'état permanent est l'alarme. Elle ne s'apaise qu'à la réception du message. Alors que dans le cas inverse l'état permanent est la confiance, qui ne prend fin qu'au moment d'agir. Sans compter que bien plus d'incidents bénins peuvent interrompre cette régularité que l'accident tant redouté. La preuve par les faits.
    Mais cette fois-ci la Rega ne fut pas sollicitée à blanc car je l'ai finalement retrouvé dans mon texte d'Oedipe.
    La nuit fut bien plus agréable. L'addition matelas - couverture fit bien l'affaire et pour la première fois, en me couchant en même temps que le soleil, je n'ai pas eu froid. Par contre je peine à m'endormir et je me réveille très tôt. En pleine forme.


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  • Au matin le temps est couvert et je tourne en rond, ne sachant que décider.
    J'avais d'abord l'intention d'atteindre les 2997m du Trubelstock avant de regagner l'emplacement de ma tente... Et puis merde, on est en juillet, qu'importe la pluie.
    Finalement, si quelques bancs de brouillard raffraichirent la montée, il ne plut que très peu et l'excursion suivit mes prévisions sans autre encombre. De retour au camp, tout est à sa place même si la toile de sol ne paraît pas si imperméable que le vantait le prospectus. Heureusement, si le matelas se dégonfle, il aura au moins la vertu d'isoler la couverture que j'ai ramenée de la cabane. La montagne est décidément une affaire de matériel. D'ailleurs, enfin équipé en feu grâce à mon incartade, je découvre dans un rire que mon réchaud était pourvu d'un allume-feu incorporé. Mes allumettes me seront de rien. ./.


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  • Mes cheveux ont blanchi jusqu'au dernier en une nuit
    mais je ne suis pas fou
    non je ne suis pas fou !
    j'habite un trou de mémoire perdu dans une vie quelconque.
    L'eau que je bois est une eau joyeuse
    elle court entre les plis de roche
    comme elle je me sens libre.
    La nuit qui me tient chaud est pareille
    à la première nuit du monde.
    Le silence qui me gouverne
    contient tous les échos.
    L'aube qui point entre les branches basses
    me convie à toutes les fêtes.
    L'horizon est partout en moi.
    Le temps recule l'espace
    jusqu'au seuil de l'instant
    et l'instant dit-on est éternel.
    L'ordre s'inscrit dans les pierres
    la présence dans l'appel
    du jour à venir.

    Vital Bender


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  • Les masques ressortent de leurs cartons après une année de repos. Peer Gynt fait une virée direction Valais. A Verbier plus précisément. Et à la Chaux très exactement pour ce que l'Office du Tourisme appelle la fête des familles. Il y aura surtout Henri Dès. Enfin c'est eux qui le disent. Moi en lisant leur programme je trouve qu'il y aura surtout nous puisqu'apparemment Henri Dès sera gratuit et que nous coûterons 60.- tout compris.

    A ce prix-là, il est bien clair que les stars c'est nous !

    Mais la politique des prix en station procède d'une logique qui m'échappe. Je me souviens d'une vitrine à Crans-Montana qui se vantait de vendre les pulls les plus chers du monde. Je crois que la boutique n'a jamais liquidé son stock avec autant de facilité. La clientèle de Verbier est peut-être programmée de même façon. J'espère seulement que cette clientèle compte un pourcentage de francophones assez honorable pour mieux que parcemener les gradins du chapiteau. De toute façon, cela ne me regarde pas.

    Ce qui me regarde c'est le jeu. Et jouer une pièce nordique à 2200m d'altitude est d'une intégration on ne peut plus réjouissante. La pièce d'Ibsen est un vrai petit chef d'oeuvre et la mise en scène de Thierry une réelle merveille d'astuces. Je renvoie ceux que cela intéresserait à la revue de presse des Artpenteurs.

    J'avais déjà parlé de la création en son temps mais voici juste quelques mots sur cette photo puisqu'elle a été prise bien avant l'aspect définitif de la scène. Le masque de Peer est terminé mais celui de Solveig encore en fabrication. Les personnages sont en cours de recherche et je trouve que ça se sent. J'aime bien les photos des processus. On y trouve une autre suspension que lors des représentations.


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  • C'est un jour comme un autre.
    La mère de ces petits enfants (elle a perdu la raison) du matin au soir lance des morceaux de pain à des oiseaux imaginaires.
    Un homme sur un banc ne la quitte pas des yeux.
    Fait semblant de lire le journal de la veille entre deux averses.
    Porte un chapeau de paille rongé par les chiens errants et les intempéries.
    La femme tour à tour chantonne pour elle-même entre ses dents pointues et converse à sa façon avec les volatiles.
    L'homme sort un harmonica de sa poche.
    Encore une de ces vies à oublier avant même de l'avoir vécue !
    Encore un de ces mouchoirs crasseux dans lequel on mord par dépit ou par habitude
    ou par passion.
    Depuis plus d'une heure la jeune femme demeure prostrée dans son laps de temps.
    L'allée est vaste comme un ciel dont on a perdu conscience.
    Il ne faut plus me parler d'oiseaux (d'oiseaux d'oiseaux d'oiseaux !...) pense-t-elle en grattant le sol de ses doigts trop fins.
    Un enfant détale aussitôt.
    Un autre essuie une larme en regardant sa mère sucer un petit caillou blanc.
    L'homme jouit du spectacle.
    Les jours ressemblent aux jours ressemblent aux jours ressemblent... pense-t-il en enveloppant son harmonica dans un mouchoir sale.
    La pluie redouble:
    Le deuxième enfant se met à courir.
    Court court vers sa mère.
    Vers la cristallisation du vide.
    L'homme soulève son chapeau.
    Un oiseau s'en échappe.
    Puis un autre.
    Un autre encore...
    L'enfant le regarde ébahi.
    A demain dit l'homme.
    Et il s'en va.
    La main dans son journal.
    Le journal sur le banc.
    Le banc dans son chapeau.

    Vital Bender


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