• Avez-vous déjà observé à quel point une mouche peut s'obstiner sur la transparence prometteuse d'une vitre de fenêtre pourtant ouverte ?

    Il lui suffirait juste d'envisager sa route sous un autre angle.

    Prendre le recul nécessaire à un nouveau virage. 

    Sans même changer d'objectif.

    Eh bien non. Elle crèvera desséchée et les ailes abîmées.

    Quand je pense qu'il y a certains qui douteraient que l'homme ait puisé ses origines au même puits que ce sympathique insecte...


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  • Elle était seule sur scène.

    Salle comble. Sièges étroits. Chaleur étouffée. L'ami Mathieu à ma droite, sur son strapontin et le mal aux fesses.

    Elle était seule avec cette mélopée violonée et ces mots de Véronique Olmi qui coulaient, qui roulaient comme des vagues. Qui parlaient de crachin, de pluie, de froid. Qui en parlaient toujours plus loin...

    ...Paupières qui tombent. Tête qui vacille sur un cou devenu lâche. A la manière de ces méduses échouées et léchées de vaguelettes. Puis une vague plus grosse, ma tête qui roule une fois pour toutes. Coeur qui bat. Incohérence des images de la demi veille laissant enfin leur place à celles contées en face, sous les projecteurs. Poids de cet excellent "Rouge de terre" s'étant fait plus léger. Fatigue s'étant laissée récupérer. Je suis là Magali Pinglaut. Je t'écoute.

    Elle était seule, posée sur ces planches inégales. Les pieds de biais avec son reflet sur le mur à jardin et des évanescences bleutées sur le fond de scène. Sobre. Beau.

    Elle était seule avec nous en face. Nous racontait son voyage vers la mer. Cette mer qu'elle voulait offrir à ses deux petits gars. Cette contradiction entre le passage des instants rêvés aux instants vécus.

    Puis soudain, sans crier gare, des tréfonds d'une âme dépouillée par le sommeil : les larmes. Des deux yeux, avec ses hoquets qu'on s'évertue à taire, ses reniflements que l'on contient. Les larmes. Jusqu'à la fin. Jusqu'au noir. Jusqu'au silence. Silence qui dure. Mais qu'on voudrait éternel. Qu'on ne voudrait pas voir rompre. Comme le plus sincère des hommages. Comme la quintessence de tous les applaudissements. Mais c'est bien connu, un public c'est poli et convenu. Alors les mains frappent. Longtemps.

    Je ne vais pas en dire plus. Il ne faut pas en dire plus. Il faut le voir. Ou l'entendre. Ou le lire. Car ce texte n'a pas été écrit pour le théâtre. Ce qui le rend un peu littéraire. Et ce qui n'est pas pour me déplaire parce que les mots, j'aime. 

    Puis Mathieu et moi avons retrouvé un peu de ce "Rouge de terre" là-dessous, dans le bar du théâtre, dans le ventre du Poche... quand elle est arrivée. Comédienne.

    Elle était seule avec son sourire partout. Elle attendait des amis qui devaient la rejoindre. Venus de loin.

    Elle était seule avec son verre de blanc, son blanc de ciel, et elle a parlé de Bruxelles, de politique, de ces trucs qu'on dit quand on doit dire des choses. Puis ils sont venus. Puis ils sont partis.

    C'est un peu après qu'il a surgi. Livide et les lèvres serrées. Furieux et la menace ardente. Il avait surpris des propos qu'il avait mal interprétés et jugés irrévérencieux. Prétextant son statut de technicien du spectacle que nous venions de voir et auréolé de machisme, il nous accusa d'ivresse (ce que nous ne pûmes contester) et nous enjoignit au départ. Le barman (ainsi qu'il se disait lui-même, et fort sympathique d'ailleurs) n'y comprit rien. Et nous pas davantage. Après force palabre l'autre s'est excusé. Mais sans y croire. Simplement parce qu'il était minoritaire.

    En tout cas je vous le dis : tant de paranoïaque susceptibilité, ça fait peur. Et mine de rien, ça vous griffe une bonne soirée.


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  • "Le dynanisme meurt avec ses illusions."


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  • N'ai pas de meilleure illustration, ne savais bien pas que me retrouverais dans cet espèce de traquenard. Viens de me payer un appareil photo mais quand on a vécu sans pendant trente ans on n'a pas le "reflex" intelligent. Si j'ai mon fixateur d'images sur moi je ne trouve jamais qu'un seul objet vaille un cliché et bien sûr quand il y a des instants que je voudrais immortaliser je n'ai pas mon appareil à portée de clic. Donc voilà... Merci google.

    Lundi passé, 23 avril, c'était la fête de la St-Georges, patron de la commune valaisanne de Chermignon. Chermignon a la particularité d'être traversé par la route cantonale comme une lance le ferait d'un dragon. Et le jour de sa fête (dont vous trouverez toutes les croustillances sur le blog d'Alain Bagnoud) la route se trouve par intermittences fermée. C'est bien sûr lors d'une de ces intermittences que j'avais besoin de le traverser. C'est ainsi stoppé que j'ai quitté ma parenthèse de tôles pour me mêler un peu à la maigre foule présente. Car ce genre de manifestations a surtout la vertu de mobiliser les différentes sociétés locales. Elles recrutent tant de gens qu'il ne reste plus grand monde pour une assistance fournie. De plus, comme la journée n'est pas chômée extra-village, on y voit surtout les vieux du coin.

    Premier pincement : tous ces visages de mon père. Une certaine paix dans ce temps laissé aux autres, aux suivants, à moi. Un passé vécu au présent par le rituel immuable d'une fête traditionnelle. L'odeur du foin qui monte au nez. L'humidité sombre des veilles caves. Les doigts noueux. La peau tannée. Ramuz. Rilke.

    Heureusement, pour balayer les nostalgies il y a la réalité des autorités communales, qu'elles soient militaires ou politiques. D'ailleurs elles vont souvent de pair en Valais : même flatterie de l'ego... Il y a aussi les fanfares dont le son des instruments à vent ne m'a jamais vraiment touché (à moins que ça ne soient les uniformes) et qui sont la représentation tangible des oppositions des deux partis principaux de Chermignon : les blancs et les jaunes. Une fanfare par parti. Luxe ou gaspillage ? Et il y avait aussi les anciens grenadiers.  Même goût du costume, rouge en ce qui les concerne, avec ce petit plus en moins que les grenadiers ne font rien. Hormis de porter un fusil de 14/18, de le bourrer de poudre en cadence et de nous balancer une monstrueuse détonation à plein tympans. 

    Deuxième pincement : retour de mon père. Dans la violence d'une bête détonation de mousquetons à l'unisson. Abstraction de l'amusante et mâle fierté des porteurs d'armes. Juste l'oppression de poitrine provoquée par l'explosion. Ou : quand le physique détermine l'émotionnel. Papa parti de l'autre côté. Mais pas papa tout seul. Papa et son époque qui va avec. Papa et tout ce que je ne suis pas mais quand même quelque part comme un regret. Comme un respect. Comme une envie de pleurer. De dire je t'aime.

    Loin de moi l'idée de défendre ces rendez-vous conservateurs ni de les montrer du doigt. Ils ne sont ni nécessaires ni inutiles. Tant que certains y trouvent leur compte... Si les traditions se conjuguent au passé elles ne figent rien.  Mais si c'est défense d'un patrimoine, c'est aussi souvent fermeture d'une ouverture. Et là c'est juste le pouvoir en place qui sauve ses intérêts, qui s'inquiète de ses avoirs. La droite quoi.

    Quant à moi l'addition de ces deux éléments : les rides et le coup de feu, m'a aspiré hors de tout ça, là-bas vers la matière brute, vers le granite des montagnes, l'eau des ruisseaux, la naissance et la mort, le permanent. Puis on a ouvert la route. Me suis remis entre parenthèses mais bien dans le temps. Avec le retour des choses à faire. 

    Et papa au coin du coeur.


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  • N'allez pas vous imaginer que maintenant que j'ai découvert comment coller de la musique sur mon blog je vais céder à la facilité de vous en infliger une chaque jour.

    C'est juste que des fois la vie a des manières bien à elle de nous aider à relativiser certains moments pénibles. C'était hier soir après une rencontre difficile. J'avais repris place sur le siège de ma voiture et je tentais quelques respirations salvatrices me posant ces habituelles questions sur la nécessité de vivre ce genre de choses. 

    Quand par les hauts parleurs, le hasard d'une radio :

    Et exactement à l'instant : "décidément c'est pas facile tous les jours..."

    Me suis rarement senti aussi bien compris...

    Puis j'ai pensé que la personne que je venais de quitter écoutait sans doute la même chaîne que moi. Sourire

    L'est-elle pas belle la vie ? Y en a pour tout le monde !


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