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Bêêêêê
Vingt-sept ans de Maximilien hier. Expédition serrée pour La grande peur dans la montagne, magnifique petite pension de quatorze lits sise aux Haudères, (ouah si ça fait pas prospectus de vacances ça à moi la peur...) espèce de bled encastré au fin fond du val d'Hérens. Bien sûr, il n'y a qu'un féru de textes qui pouvait ainsi baptiser ses chambres d'hôtes. Chaque chambre porte d'ailleurs le nom d'un auteur suisse. Madeleine et Patrick Rossier (C'est lui qu'est sur la photo voui, voui) nous y ont reçus pour une tablée de bavardages enflammés. Parce qu'il parle le Patrick, et il parle mots. Ces mots qu'il passe les nuits à assembler. Première tentative romanesque après son recueil de nouvelles.
Décor posé pour une petit ballade dans les prophéties valaisannes. Car le Valaisan est un prophète, il porte haut le verbe sentencieux. Mon père en était un spécialiste. Phrases lapidaires et sans appel tombant comme un couperet sur toute velléité de réponse. Le Valaisan parle peu mais quand il parle il frappe. Patrick en déduisit la conséquence d'une éducation catholique refermée sur elle-même, conservée à l'étroit de ses vallées multiples. Car le Valais est vallées. Catholicisme dogmatique à l'opposé d'un protestantisme peut-être encore austère mais quand même plus discursif, pour avoir déjà une fois remis en question l'infaillibilité papale. Et surtout à l'opposé de religions franchement dialectiques comme le judaïsme où le texte est trituré, retourné, cuisiné. Et ce dès l'enfance. L'éducation religieuse que nous avons connue, Patrick et moi, ne se prêtait pas au discours. Elle était assimilation et recrachage. Elle était vérité brute. Elle avait la valeur absolue des prophéties.
D'où un grand amusement au regard de mon carnet d'autrefois dont je vous ressers les extraits depuis quelque temps. Comment ne pas faire de rapprochement entre la nature profonde et bourrue du Valaisan que je suis par définition et ces petites maximes issues de ma rage post-adolescente et balancées avec la satisfaction des évidences ? Rien de plus déterminé finalement dans ce comportement. Je suis issu du dogme. Enfant de la morale. Au commencement était le Verbe... et nous l'avons figé.
Pourtant, je les trouve amusantes par ce qu'elles provoquent, ces petites phrases. Déjà chez moi. Ce n'est pas évident de les ressortir, justement dans ce qu'elles ont de catégorique. Je dois me faire violence. Mais elles ont tout autant un caractère définitif que partiel. Et c'est là leur intérêt, parce que c'est finalement dans ce qu'elles ont de partiel qu'elles paraissent définitives. Ce qui nous ramène à la fonction provocatrice de la prophétie dont la démarche se trouve à l'inverse de celle de la maïeutique socratique. Mais dont l'objectif devrait être similaire. La maïeutique suscite la réflexion, crée la discussion car elle n'autorise pas les réponses toutes faites. La prophétie quant à elle ouvre la réflexion dans ce qu'elle a de fermé. Son caractère propre provoque une ouverture, elle provoque une remise en question. Comme un appel d'air.
Et comme rien de vaut l'exemple pour illustrer un propos, je vous livre tout de go la prophétie de la soirée, la prophétie de Patrick (On est Valaisan ou on ne l'est pas - et lui l'est...) : En Valais il y a 10% de prophètes qui se taisent pour 90% de moutons qui bêlent. Ce qui m'amène à la déduction douloureuse de mon changement de catégorie. Je suis passé du prophète post-adolescent qui se taisait sur son petit carnet au mouton qui bêle tout ça dix ans plus tard. Bêêêê !
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Commentaires
re44
Yes man ! Tu vois petit petit tu en connais un peu plus sur moi ! Bienvenu dans le coin-coin !!!4nideaVendredi 18 Mai 2007 à 11:37marrant..
Mais c'est qu'ils ont tous une pénurie de cheveux ces écrivains ! ;) je rigole voyons !!!Maxime
Les sentences ne sont pas une fin en soi. Elles provoquent la réflexion. Non seulement tu n’as pas figé le verbe mais je trouve que tu as fait mieux que d’écrire bien, tu penses ! Et ca, tu le dois sûrement aux silences prophétiques des alpages!Retour au pays natal
Ce recueil de nouvelles de Patrick Rossier est très bon. Rude, âpre, fort comme de la gentiane.Retour au pays natal
Ce recueil de nouvelles de Patrick Rossier est très bon. Rude, âpre, fort comme de la gentiane.nidoie
C'est parce qu'il a le vent de proue... Ne devines-tu pas la foison rebelle qui cascade derrière son dos ?kristattitude
Je pense en broussaille kristo. Faudrait groudronner tout ça... Mais merci du compliment. ça c'est une chose que dans nos rocailles on ne sait pas bien accepter.alainalainalainalainalainalain
Si Patrick lit ce blog, je ne sais pas si tant d'effusion lui sera bénéfique. Si internet lui-même se détourne à son avantage...16Parick RossierSamedi 19 Mai 2007 à 02:48Au valaisan des valaisannes
C'est tout de même particulier d'écrire à une machine qui va avaler mes phrases et les recracher je ne sais trop comment... (cf. la diction redondante de Alain Bagnoud ci-dessous, qui peut faire mieux, j'en suis sûr...) Paraît-il - m'a-t-on dit - que derrière ces noms de codes (krito, va33, nidea...?! est-ce un blogg de rencontres à visées particulières...) il y a bien quelqu'un qui se terre, je veux dire quelqu'un avec de la chair, palpable donc... enfin un corps avec un visage, pas une carcasse avec un écran... Si donc, dévalant mes rocailles à moi, je viens promener ma chair par ici, c'est simplement pour rappeler à l'aimable libou-hibou, hôte d'une nuit dans mon bed and breakfast, qu'il est parti, eh bien... sans payer! Il est vrai (référence morale:) que celui qui souvent use de bons mots, souvent espère ne pas payer... Enfin, pour rendre honneur à la citation (prophétie?) originelle et illustrer tes propos, cher hibou-libou-lilou: "Pays silencieux dont les prophètes se taisent, pays qui prépare son vin; où les collines sentent encore la Genèse et ne craignent pas la fin! Pays, trop fier pour désirer ce qui transforme, qui, obéissant à l'été, semble, autant que le noyer et l'orme, heureux de se répéter –; Pays dont les eaux sont presque les seules nouvelles, toutes ces eaux qui se donnent, mettant partout la clarté de leurs voyelles entre tes dures consonnes!" Rainer Maria Rilke Tiré du recueil "Quatrains valaisans", écrit en français. Salut donc, libou, "ô valaisan des valaisannes" (plus ou moins tiré encore de Rilke), et oublie ta dette, ton texte m'a bien payé: j'ai peur que c'est moi,maintenant, qui te dois quelque chose...Vous l'avais bien dit
Qu'il parlait le Patrick. Il parle sans compter... Mais il se rattrape sur ses nuitées... :-)) A bientôt bougre de rocaille !Publication
On peut le trouver en France ton livre ? 1 livre acheté = 1 bed and breakfast gratuit ?46
C'est ça ! Mais à double tranchant... Comme il faudra en parler toute la nuit, tu n'auras pas vraiment le loisir de profiter de ton lit.21Patrick RossierMardi 22 Mai 2007 à 18:05Jusqu'en Afrique sub-saharienne
Normalement, on devrait trouver le livre partout (jusqu'en Afrique, mais bon...), mon éditeur ayant également un diffuseur français... Si toutefois... Va33, tu auras juste à remettre au libraire ce numéro ISBN et il commandera la chose: 2-88340-167-5re51
J'ai même trouvé le livre sur le site de la fnac !!!! Me "soutirer mon adresse", non mais ?!?! Pour qui me prenez-vous Monsieur Libou ? :-)25Ongles rongésMercredi 20 Février 2008 à 17:40M'étonne pas !
Non, m'étonne pas que ce Jacques-Michel en là ici, ce René-Jean-Marc-Antoine, 'l'ait pas payé ! Ces artistes, tous fauchés, tu ouas comment...
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Super beau. T'as pas dû t'ennuyer !!! Ca change de mon petit coin-coin ! Question mouton, tant que tu n'es pas devenu un mouton de Panurge, pas de problème pour toi...