• Mat

    Je ne sais pas bien si nos occupations de mortels sont davantage destinées à profiter de notre incarnation humaine ou au contraire à éviter d'y penser...

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  • Un ciel en forme d'abat-jour (à l'intérieur de sa pensée constituée d'une superposition de visages plus ou moins chers) pivote lentement en direction d'un avenir incertain (globe lumineux derrière un voile de fumée), ce globe se met à tourner sur lui-même de plus en plus vite, dissipant ces brouillards, ces visages, ce ciel, et toute cette pénombre poisseuse qui nous incite toujours à croire qu'une femme nous attend en haut d'un escalier monumental, alors que c'est au fond d'un puits (avec autour du cou un collier de serpents qui s'ennuient). L'homme secoue sa tête creuse et se verse à boire, renverse le verre sur la tête de son voisin de régiment ou de palier qui se contente de sourire pour ne pas enfreindre la loi rouge du silence, et vice versa. S'ensuit un instant de stupeur - valse sulfureuse, atmosphère de fin des temps qui se prolonge jusqu'à l'aube (une lueur par-ci par-là), un dictaphone qui fuit à travers des rangées de crânes, un éclair jaillit d'une bouche, d'une orbite, déjà l'odeur de soufre et plus tard l'appel rauque d'un enfant sous des gravats, de vieux arbres en couronne dont la détresse tourne court. Un homme, toujours le même (il n'a plus de tête) remplit son verre en pleurant sur des visages qui fondent comme de la cire.

    Vital Bender 


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  • Quel bonheur de retrouver les frères Coen après les égarements qui ont suivi les petits chefs-d'oeuvre qui les ont fait connaître. Se laisser embarquer dans le rythme de leur long métrage est pure délectation.

    Si les premiers rôles sont remarquablement portés, les seconds rôles ne sont pas étrangers au plaisir ressenti. C'est un film d'acteurs, un film qui laisse la place de choix au jeu. Les plans sont lents, au rythme chaud de cette Amérique profonde, à la frontière mexicaine. Il est tout imprégné de la torpeur de ces vies engoncées dans un quotidien que presque rien ne peut bouleverser. Les héros sont atypiques. Ce ne sont pas eux qui créent l'intrigue mais l'intrigue qui se sert d'eux. Et de fait ils sont humains... trop humains... vulnérables. Seul le plus déshumanisé saura peut-être survivre.

    Si les dialogues, taillés de telle sorte qu'ils nous appellent à des visionnements répétés, trainent derrière eux questions existentielles, ils ne s'embarrassent pas de morale. Ce qui ne rend pas le film amoral. Bien au contraire. Il porte une morale libérée du juste et du faux. Une morale à la hauteur de notre complexité, à la recherche de notre place en ce monde.

    Que de tels films n'apparaissent pas davantage dans les salles obscures ?! 


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  • Pouvait-elle ignorer plus longtemps qu'elle ne vivait plus en elle ? Que sa respiration était une respiration de morte ? Que le tonnerre l'a rendue sourde ? Que l'écheveau des pertes et des réconciliations se dévidant sous son pas pressé, trop pressé... (peut-on écrire cela ?) Oh parages hantés par son supplice ! ... quand la lampe-tempête s'éteint brusquement et qu'une veille d'oiseaux funèbres débute au fond d'un lac bien réel, et qui rosit en surface...

    Vital Bender 


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  • Ce n'est pas la première version que j'ai lue. Pas celle qui a été retouchée pour sa publication en 1905. C'est la définitive, celle de ses oeuvres complètes, corrigée à l'occasion de chaque nouvelle réédition.

    Cependant il restait en appendice la fin qu'il n'a pas gardée.

    J'ai trouvé fascinant de pouvoir opposer les deux styles d'écriture. Celui plus hésitant, pas encore affirmé, toujours en recherche, de ses premières années et celui limpide et libéré de l'âge mûr. Celui du premier jet soucieux de vraisemblance et celui épuré de la maturité. Car il s'agit bien d'épuration, du passage d'une première ébauche attentive aux impératifs de la logique à une peinture expressionniste qui trace davantage le contour des âmes que des objets. Ou, comment glisser du quotidien à l'universel, du particulier au cosmique...

    Car Ramuz s'efface derrière le récit, il en devient simple résonateur, il en devient le serviteur. Suivant la lente poussée de l'inéluctable qui se décline avec la sobriété de ses métaphores presque enfantines mais d'une force expressive hallucinante. Il est l'humble spectateur de son récit, se contentant de le transcrire avec force et élégance. On constate juste son impuissante compassion devant la tragédie de l'héroïne. On sent juste son amour et sa tendresse devant cette Aline qui ne pourra pas plus éviter le pire que la terre modifier sa course céleste. Et on tombe avec elle, retenant avec d'autant plus de peine écoeurement et jugement que Ramuz les a bânis de son roman, nous laissant juste les supputer à travers les événements.

    Et pourtant ça avait bien commencé. Comme une histoire d'amour... 

     


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