• bleu

    Le calme plane sous l'envoûtement de la brume
    Et du port nous parviennent quelques sons incongrus
    Comme arrachés à l'univers de la mer nue.
    Le soleil ne cache même plus son amertume,
    La mine voilée, il abandonne le gris au gris.

    A la sirène d'un navire répond celle d'un train,
    Liverpool tente de s'éveiller de sa torpeur
    Mais voilà trop de nuits que ses efforts restent vains.
    L'ennui a volé l'innocence à la candeur,
    Au fil des jours les âmes s'émiettent ici.

    Des téléviseurs répandent déjà leur blasphème
    Sur la crédulité où l'ignorance amène.
    Tandis qu'au dehors, endormi sur la voie,
    Celui-là à la vie jamais plus n'aura droit ;
    Martyr de l'insousiance, tué par les médias.

    Mais qui est la victime de ce crime annoncé ?
    Ce bébé tailladé, ces enfants assassins
    Ou alors une société corrompue, blessée,
    Détruite et s'efforçant de ne pas s'effondrer
    En soulignant l'horreur de ce triste matin ?

    Le regard contemporain heurté par la scène
    Oublie les causes qui engendrèrent cette géhenne.
    Ces reflets quotidiens, cette violence quotidienne,
    Qui la veut sinon nous et notre morosité,
    Ce vif besoin de fuir notre réalité ?

    Nous n'achetons que ce que nous estimons perdu.
    L'offre ne reflète que notre mégalomanie,
    Elle ne satisfait que notre ambition déçue
    Et ne crée que d'impossibles scénarii
    Encore capables d'émouvoir nos sens perclus.

    Alors, choyés dans le confort des habitudes,
    Nous écoutons serviles l'écho d'une voix prude
    Qui apaise les remous des révoltes de nos coeurs.
    Tous voient mais personne ne s'élève contre l'absurde.
    Du grand chamboulement nous en avons trop peur.

    "Les valeurs présentes ne doivent pas être ébranlées !"
    Pourtant, bercés par l'illusion d'avoir raison,
    Nous souffrons et désabusés nous lamentons.
    Toutes ces tromperies jamais ne nous apaiseront :
    Aucun divertissement n'efface nos péchés.

    Les membres défaits, la peau meurtrie, les os brisés,
    Le regard plongé dans une mer de cruauté,
    Il n'aura servi qu'une indignation programmée
    Dans un monde à la dérive où pour notre malheur
    L'ennui a volé l'innocence à la candeur.


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