• Aimé Pache, nouvelle tentative

    Je suis tout de même saisi de scrupules.
    Effrayant ce poids de l'éducation. Ce souci de cohérence. Cette inquiétude de l'image. Cette crainte de ne point être pris au sérieux. Menace insurmontable qui nous conduirait plutôt vers la fable que vers la rigueur philosophique par peur d'être pris en défaut ? Pour se prémunir sous un masque de fantaisie de tout reproche de légèreté ? Comme si le plus sérieux des raisonnements n'était pas avant tout fantasque... Comme si la plus délurée des fictions ne reposait pas sur la plus solide des constructions.
    Seulement si l'un prétend au système, le système de l'autre reste sans prétention. Ce qui n'implique pas qu'il n'aura pas de répercussions. Souvent ce qui élargit enrichit bien davantage que ce qui cherche à clôturer et se poser des questions ouvre plus de mondes que de trouver des réponses.

    Mais voilà qu'une fois de plus je contourne le sujet du jour qui était déjà celui d'hier. Il doit y avoir une infra-raison qui me retient d'embrasser cet Aimé. Mais je ne vais pas tenter de la déterminer aujourd'hui sinon dans trois mois je serai à la énième tentative de causer de ce récit.

    Aimé Pache. Vaudois de campagne fils du juge et d'une mère si aimante qu'elle en demeure maternante jusque sur le tard. Et toujours davantage au fur et à mesure qu'elle ressent la distance qui se crée quand le mouvement de la vie dont elle a tenu la place centrale se déplace vers sa descendance. Ce qui à la fois permet à Aimé Pache de s'essayer dans la voie artistique puisqu'elle l'aime suffisamment pour le lui permettre sans condition. - Mais quand il se manifeste au-delà de la compréhension, l'amour est-il toujours inconditionnel ou les conditions sont-elles proportionnelles à la dimension qui les a engendrées ? - Et ce qui peut-être aussi l'écrase durant toutes ses années parisiennes où il traverse un long tunnel qui ne lui permet pas de se libérer. De libérer ses pinceaux.
    Ramuz pense surtout à l'éloignement. A l'orgueil peut-être. Pourtant il ne se ménage pas à la tâche le petit. Il maintient une discipline de fer à laquelle il ne déroge qu'à de rares occasions. Et ainsi happé dans le travail et perturbé par un amour naissant et qui lui tombe du ciel il repousse son retour au pays malgré les appels pressants mais vagues - elle ne veut pas l'inquiéter - de sa mère, qui s'éteint avant qu'il n'ait pu lui dire adieu. Perturbé, Aimé rentre à Paris où peu à peu gagné puis vaincu par la culpabilité il détruit sa relation à peine sortie de l'état passionnel. De retour vers ses racines, nous assistons à sa rémission, à sa renaissance du noir total à la lumière, à la résolution existentielle de sa place dans le monde ou plus précisément de sa nécessaire contribution en tant que partie du grand tout.

    C'est cette fin qui grippa pour moi. Ramuz possède une telle force dans l'évocation de la déchéance ou de la rencontre amoureuse (promesse de déchéance ?) que cette douleur terrible de la culpabilité ou de l'amour est ressentie jusqu'à la nausée, jusqu'à l'angoisse. - Évidemment il touche à nos profondeurs... - Il est si pertinent dans la noirceur que la résolution finale sonne comme une usurpation de la réalité, comme un subterfuge grotesque. On se sent un peu floué, comme si une fée clochette apparaissait au centre d'un tableau hyperréaliste. On peine à y croire.


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