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Un homme court
Un homme court le long d'une berge ou sur un pont
sur des débris de fleurs ou sur des gravats
sur des tessons de bouteilles
un homme piétine un autre homme qui le regarde fixement sans sourciller
et sans comprendre :
il tient dans une main un pinceau
dans l'autre une éponge humide
qu'il se met à sucer
puis il suce le pinceau
respirant avec peine
(le poids d'un homme
l'empreinte de ses bottes
sur sa poitrine...)
il ne lui en veut pas
il voudrait simplement peindre sur son éponge un homme piétinant un autre homme sur un tapis de fleurs ou sur un pont (qui finira bien par s'écrouler)
il n'a pas peur (pas encore)
L'autre continue de lui rebondir sur la figure
sur le ventre
sur les parties génitales
(deux omelettes baveuses sur une assiette)
continue de ne rien voir
de ne rien sentir
finit par éjaculer dans la bouche de l'homme
au moment où un oiseau (une araignée un rayon) se poste sur son membre (froissement de papier).
Le pont s'écroule.
L'oiseau s'envole.
La lumière est blanche comme la face interne d'un coquelicot (ou d'un noyé).
Le pré voisin est tout couvert d'hosties recrachées.
Une charrette traverse le ciel avec un sifflement caverneux.
Qui a mutilé ce corps d'enfant de Dieu sur la place publique ?
Quel spectre a surgi joyeux du placard
où le poète rangeait son athanor et ses raisons
de vivre et ses réalités sous-jacentes
à l'abri de la poussière des jours et des inhibitions ?
Le poète qui ne croit plus à son existence factice sous les feuilles...
Mais la comédie a assez duré.
L'azur rend fou:
La poésie n'est qu'une projection d'atomes pilés dans le brouillard
dans l'immense dans l'irréversible
dysfonctionnement des artères
etc...Vital Bender
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