• Les rouges-georges

    N'ai pas de meilleure illustration, ne savais bien pas que me retrouverais dans cet espèce de traquenard. Viens de me payer un appareil photo mais quand on a vécu sans pendant trente ans on n'a pas le "reflex" intelligent. Si j'ai mon fixateur d'images sur moi je ne trouve jamais qu'un seul objet vaille un cliché et bien sûr quand il y a des instants que je voudrais immortaliser je n'ai pas mon appareil à portée de clic. Donc voilà... Merci google.

    Lundi passé, 23 avril, c'était la fête de la St-Georges, patron de la commune valaisanne de Chermignon. Chermignon a la particularité d'être traversé par la route cantonale comme une lance le ferait d'un dragon. Et le jour de sa fête (dont vous trouverez toutes les croustillances sur le blog d'Alain Bagnoud) la route se trouve par intermittences fermée. C'est bien sûr lors d'une de ces intermittences que j'avais besoin de le traverser. C'est ainsi stoppé que j'ai quitté ma parenthèse de tôles pour me mêler un peu à la maigre foule présente. Car ce genre de manifestations a surtout la vertu de mobiliser les différentes sociétés locales. Elles recrutent tant de gens qu'il ne reste plus grand monde pour une assistance fournie. De plus, comme la journée n'est pas chômée extra-village, on y voit surtout les vieux du coin.

    Premier pincement : tous ces visages de mon père. Une certaine paix dans ce temps laissé aux autres, aux suivants, à moi. Un passé vécu au présent par le rituel immuable d'une fête traditionnelle. L'odeur du foin qui monte au nez. L'humidité sombre des veilles caves. Les doigts noueux. La peau tannée. Ramuz. Rilke.

    Heureusement, pour balayer les nostalgies il y a la réalité des autorités communales, qu'elles soient militaires ou politiques. D'ailleurs elles vont souvent de pair en Valais : même flatterie de l'ego... Il y a aussi les fanfares dont le son des instruments à vent ne m'a jamais vraiment touché (à moins que ça ne soient les uniformes) et qui sont la représentation tangible des oppositions des deux partis principaux de Chermignon : les blancs et les jaunes. Une fanfare par parti. Luxe ou gaspillage ? Et il y avait aussi les anciens grenadiers.  Même goût du costume, rouge en ce qui les concerne, avec ce petit plus en moins que les grenadiers ne font rien. Hormis de porter un fusil de 14/18, de le bourrer de poudre en cadence et de nous balancer une monstrueuse détonation à plein tympans. 

    Deuxième pincement : retour de mon père. Dans la violence d'une bête détonation de mousquetons à l'unisson. Abstraction de l'amusante et mâle fierté des porteurs d'armes. Juste l'oppression de poitrine provoquée par l'explosion. Ou : quand le physique détermine l'émotionnel. Papa parti de l'autre côté. Mais pas papa tout seul. Papa et son époque qui va avec. Papa et tout ce que je ne suis pas mais quand même quelque part comme un regret. Comme un respect. Comme une envie de pleurer. De dire je t'aime.

    Loin de moi l'idée de défendre ces rendez-vous conservateurs ni de les montrer du doigt. Ils ne sont ni nécessaires ni inutiles. Tant que certains y trouvent leur compte... Si les traditions se conjuguent au passé elles ne figent rien.  Mais si c'est défense d'un patrimoine, c'est aussi souvent fermeture d'une ouverture. Et là c'est juste le pouvoir en place qui sauve ses intérêts, qui s'inquiète de ses avoirs. La droite quoi.

    Quant à moi l'addition de ces deux éléments : les rides et le coup de feu, m'a aspiré hors de tout ça, là-bas vers la matière brute, vers le granite des montagnes, l'eau des ruisseaux, la naissance et la mort, le permanent. Puis on a ouvert la route. Me suis remis entre parenthèses mais bien dans le temps. Avec le retour des choses à faire. 

    Et papa au coin du coeur.


  • Commentaires

    1
    Dimanche 29 Avril 2007 à 00:52
    ...
    Je ne connais pas encore le sentiment des parents partis de l 'autre côté, mais je te laisse quelques chaudes pensées
    2
    Dimanche 29 Avril 2007 à 15:42
    mag
    Je ne connais pas trop les sentiments du nombre 17 mais je crois que t'es une bien chic fille. Merci.
    3
    Lundi 30 Avril 2007 à 09:00
    Merci...
    Pas pour la référence à mon blog: pour ton beau texte.
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    4
    Mardi 1er Mai 2007 à 01:09
    Rôôô
    Tu me fais rougir...
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