• Face nord

    Outre ces montagnes de papier et ces rencontres impromptues, le salon du livre se révéla autrement générateur d'émotions intempestives. Dans le cas particulier qui va se dérouler sous vos yeux, disons qu'elles étaient souhaitées. Du moins par les expérimentateurs du projet. Personnellement m'en serais bien passé...

    L'Université de Genève tenait pavé dans l'aire des publications. Comme vous l'aurez vu en cliquant sur l'un ou l'autre des deux liens précédents, elle proposait un petit test sur les émotions. C'est peut-être regrettable mais je ne l'ai pas tenté ; après tout il est évident que je suis, pour le meilleur comme pour le pire, un hypersensible : si mes émotions n'ont pas forcément déterminé mes choix, elles en ont chaque fois été à l'origine. Par contre un écran visible de tous projetait en continu des images violentes censées provoquer des réactions émotives. Il y avait notamment une vidéo de happy slamming mettant en scène une adolescente se faisant démonter la face par une joyeuse camarade. Je crois que la violence résidait surtout dans la durée de l'action et l'acharnement qu'y mettait la slammeuse alors que la première était déjà à terre. Ce qui contribuait sans doute aussi à cette montée d'adrénaline était l'immobilisme de ces jambes qui entouraient l'action. Il m'avait semblé qu'une éternité s'était écoulée avant qu'une personne ne fût intervenue. Les autres vidéos n'eurent pas le même impact. Les acteurs des rixes suivantes paraissaient de forces plus égales ou les images étaient plus conformes à ce que les télés nous balancent à longueur des flashs d'info.

    Je crains dès lors que la raison du succès de ces passages à tabac réside justement dans cet aspect inquiétant. Il y a une telle banalisation de l'image, de la violence imagée qu'il est de plus en plus difficile de susciter des émotions. Ces happy slamming parviennent encore à soulever quelques vagues dans cette mer d'indifférence. A pallier quelque peu ce défaut d'existence. A soulever un pur sentiment d'injustice. (En ce qui me concerne.)

    Comment notre occident embourgeoisé a pu en arriver là ? Le culte de la réussite ? Le conformisme de la légalité ? L'anesthésie des émotions issue de cette surabondance d'images ? L'ennui généralisé ? En tout cas je me réjouis de lire les résultats des recherches sur tout ça. Car il paraît bien que nous sommes tous des malades des émotions et que nous le manifestons au travers de nos dépendances. Avais compulsé en son temps un numéro spécial de Sciences & Vie (n°232) sur la question. Très intéressant. 

    Comme vous avez pu le saisir, cette tentative de face nord avait déjà mis en place les difficiles conditions qui furent mon lot sur la paroi sud.


  • Commentaires

    1
    Vendredi 11 Mai 2007 à 18:04
    Emotion
    Je serais bref: addiction au pire ? Sur-émotion prémachée ? Je reste convaincu que nous sommes sur terre pour "éprouver". Alors, la belle émotion, celle qui sort du réellement vécu, du réellement ressenti, du profondément éprouvé.Evidemment, il faut la chercher soi-même, en soi-même et par l'autre. Ce n'est donc pas par facilité que l'on "éprouve" lorsqu'on est "conscient"!
    2
    Vendredi 11 Mai 2007 à 19:19
    Et je ne dois pas m'en plaindre
    L'émotion... j'en ai fait mon métier.
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