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Dans la tête du promeneur du promeneur
Dans la tête du promeneur du promeneur égaré qui longe une écluse morte sous la pluie
une heure vient de sonner
l'heure de tous les crimes de tous les abandons.
Il se baisse saisit une pierre et la jette dans l'eau noire
répète le même geste jusqu'à ce que la tête lui tourne
et se repère :
un halo blafard
un arbre isolé
le martèlement d'une idée fixe en bordure de sa boîte crânienne
les mots qu'il a prononcés hier et qu'il regrette déjà
ce qu'il a éprouvé en caressant pour la première fois le corps moite d'une putain.
L'eau du canal
la pluie
la glu
les glaires
(il faut bien vivre...)
son cerveau avec son éternelle tumeur en devenir
qui finira bien par s'étendre au monde entier.
Le promeneur s'esclaffe
et tousse
crache dans un buisson.
La pluie a effacé toute trace de son rêve sur le canal
au-delà duquel le paysage se perd dans un chaos d'ombres laiteuses
et de faciès de cendre
dont le sien
qu'il entrevoit par intermittence
entre des formes de nez et de bouches
d'yeux dissociés du reste du visage
et de la pluie
qui s'arrête là
de l'autre côté du canal
qui ne court pas plus loin
plus loin c'est déjà son rêve
c'est déjà son crime
dont une muraille liquide lui renvoie de temps à autre un reflet.
Le promeneur s'agite
- qu'a-t-il ? -
il voudrait prier
quitte la berge
- il devient fou -
dévale le talus jusqu'au canal
se jette à l'eau
pour rejoindre son rêve
une bouche un oeil
une narine
à demi effacée
un trou noir :
s'y engouffre avec une détermination qui le surprend
se promène à l'intérieur de son crâne
ressort par l'autre narine...
Il a vieilli.
Sa femme est morte d'un cancer généralisé (croit-il) :
caresse une dernière fois son corps sous la terre
son corps de sirène ou de squale
son corps laineux.
Jette une pierre dans l'onde invisible mais la pierre se dissout entre ses doigts (regrets et fumée)...Vital Bender
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