• On passe un bon moment avec ce Gainsbourg de Joann Sfar. Un film agréable et tranquille entre le traitement poétique et le commentaire psychologique qui se laisse regarder avec le sourire. On aime retrouver les figures de Vian ou Bardot. Eric Elmosnino est hallucinant. On ressort du cinéma avec l'envie de réécouter tous les disques de Gainsbourg et de se dégoter quelque part sa bio. Et c'est plutôt bon signe. Il ne faut pas s'imaginer qu'on apprendra davantage qu'on ne sait déjà plus ou moins sur le personnage. Mais c'est devenu le propre des dernières biographies cinématographiques. Sinon, il y a les documentaires ou les bouquins. Le cinéma permet finalement si peu de creuser - il peut encore raconter des histoires mais cerner une vie... - qu'il lui faut se rapprocher de l'allégorie pour trahir le moins possible.
    Et c'est là que ça devient périlleux et du coup je me suis demandé pourquoi faire un film sur le monsieur... Puisqu'il ne m'a finalement pas transformé plus que ça et même il ne me paraît tenir que par la figure à laquelle il s'intéresse. Si il avait dû s'appeler "Dupont - (vie héroïque)" je doute fort qu'il aurait pu convaincre. En même temps pourquoi le devrait-il puisqu'il ne s'agit pas de Dupont mais bien de Gainsbourg. Qui comme on peut le constater continue de fasciner au point de rendre fascinant un film qui ne le serait probablement pas sans lui.


    1 commentaire
  • Je suis tout de même saisi de scrupules.
    Effrayant ce poids de l'éducation. Ce souci de cohérence. Cette inquiétude de l'image. Cette crainte de ne point être pris au sérieux. Menace insurmontable qui nous conduirait plutôt vers la fable que vers la rigueur philosophique par peur d'être pris en défaut ? Pour se prémunir sous un masque de fantaisie de tout reproche de légèreté ? Comme si le plus sérieux des raisonnements n'était pas avant tout fantasque... Comme si la plus délurée des fictions ne reposait pas sur la plus solide des constructions.
    Seulement si l'un prétend au système, le système de l'autre reste sans prétention. Ce qui n'implique pas qu'il n'aura pas de répercussions. Souvent ce qui élargit enrichit bien davantage que ce qui cherche à clôturer et se poser des questions ouvre plus de mondes que de trouver des réponses.

    Mais voilà qu'une fois de plus je contourne le sujet du jour qui était déjà celui d'hier. Il doit y avoir une infra-raison qui me retient d'embrasser cet Aimé. Mais je ne vais pas tenter de la déterminer aujourd'hui sinon dans trois mois je serai à la énième tentative de causer de ce récit.

    Aimé Pache. Vaudois de campagne fils du juge et d'une mère si aimante qu'elle en demeure maternante jusque sur le tard. Et toujours davantage au fur et à mesure qu'elle ressent la distance qui se crée quand le mouvement de la vie dont elle a tenu la place centrale se déplace vers sa descendance. Ce qui à la fois permet à Aimé Pache de s'essayer dans la voie artistique puisqu'elle l'aime suffisamment pour le lui permettre sans condition. - Mais quand il se manifeste au-delà de la compréhension, l'amour est-il toujours inconditionnel ou les conditions sont-elles proportionnelles à la dimension qui les a engendrées ? - Et ce qui peut-être aussi l'écrase durant toutes ses années parisiennes où il traverse un long tunnel qui ne lui permet pas de se libérer. De libérer ses pinceaux.
    Ramuz pense surtout à l'éloignement. A l'orgueil peut-être. Pourtant il ne se ménage pas à la tâche le petit. Il maintient une discipline de fer à laquelle il ne déroge qu'à de rares occasions. Et ainsi happé dans le travail et perturbé par un amour naissant et qui lui tombe du ciel il repousse son retour au pays malgré les appels pressants mais vagues - elle ne veut pas l'inquiéter - de sa mère, qui s'éteint avant qu'il n'ait pu lui dire adieu. Perturbé, Aimé rentre à Paris où peu à peu gagné puis vaincu par la culpabilité il détruit sa relation à peine sortie de l'état passionnel. De retour vers ses racines, nous assistons à sa rémission, à sa renaissance du noir total à la lumière, à la résolution existentielle de sa place dans le monde ou plus précisément de sa nécessaire contribution en tant que partie du grand tout.

    C'est cette fin qui grippa pour moi. Ramuz possède une telle force dans l'évocation de la déchéance ou de la rencontre amoureuse (promesse de déchéance ?) que cette douleur terrible de la culpabilité ou de l'amour est ressentie jusqu'à la nausée, jusqu'à l'angoisse. - Évidemment il touche à nos profondeurs... - Il est si pertinent dans la noirceur que la résolution finale sonne comme une usurpation de la réalité, comme un subterfuge grotesque. On se sent un peu floué, comme si une fée clochette apparaissait au centre d'un tableau hyperréaliste. On peine à y croire.


    votre commentaire
  • Un ami espagnol qui a terminé l'écriture de son premier roman que je n'ai pas pu lire car n'en pipant mot m'a parlé de Ramuz en ces termes : "C'est aussi chiant que la Suisse". Ca m'a fait du bien. Je suis un incontestable de Ramuz et comprends difficilement qu'une chose qui m'emballe tant n'emballe pas tout l'univers. Non point par intolérance mais juste par naïveté incrédule. Bon. Je pense que d'être de langue maternelle contribue au plaisir. Me laisser glisser dans ces mots ne me procure aucune difficulté. Parfois de l'impatience mais ça n'est pas exclusif à Ramuz. C'est juste que la vie est courte et je doute parfois d'en user à bon escient. Si tant est qu'on puisse en user. Et des fois par boulimie de remplissage on ne parvient à rien rassasier alors que savourer contente divinement. Versatilité de comportement influencée par les mouvements intérieurs. Etre humain en somme. Mais je m'égare et deviens confus même si je me comprends.

    Pourquoi j'aime Ramuz ? Ben j'aime son coeur. C'est vrai qu'il ne se passe pas grand chose dans ses romans. En tout cas dans les premiers que j'ai lus. Ce sont des scandales villageois aux intrigues pas bien compliquées ; Ramuz s'intéresse davantage à ces mouvements intérieurs qui entretiennent la versatilité. Aux conséquences de nos choix. A la difficulté de les prendre. A la volonté et à ce qui la contraint. En fait, à ce qui peut-être et finalement constitue le principal de la vie d'un Suisse. Ou comment une tragédie peut naître du convenu. Comme une miette perdue sur une nappe blanche. Comme une verrue sur le velours de la peau. Comme une cellule cancéreuse au milieu d'un corps sain. Comme des anti-dépresseurs, une folie, un shoot ou un suicide dans un pays qui n'a apparemment aucune raison de figurer parmi les plus concernés par ces éléments. Alors peut-être bien que ce que j'imaginais universel est une histoire d'éducation.

    Allez. Je parlerai d'Aimé un autre jour. Peut-être.

     

     


    votre commentaire
  • Le sable a pénétré nos âmes et nos bouches
    le vent tout emporté de nos fumigations.
    Voici l'heure de ta trace sur les blés crissants
    l'heure de l'évaporation définitive.
    Ceux qui affirment que la poésie n'a pas de sexe sont des fous !
    (Qui affirme quoi ?)
    Que d'heures douces de ma vie n'ai-je passées
    à savourer tes épanchements périodiques au fond d'un nid chaud !
    Ceux qui affirment que le chagrin des femmes ressemble à un éclat de saphir ont raison:
    (Qui a tort ? qui a raison ?)
    Paix des morts ! Feu à volonté !
    Je connais des cadavres plus vivants que chaque individu pris à part dans une foule en délire...
    La poésie est un organe de trop une greffe ratée une fiente d'oiseau sur un fragment d'étoile morte.
    (Pour ôter de ma bouche
    le goût de la clope et du hasard...)

    Vital Bender


    votre commentaire
  • Écrit alors que la chape de la guerre froide pèse sur l'Europe et le monde, avec les relents persistants des deux guerres que la volonté d'oubli ne parvient à gommer des mémoires.
    Écrit pourtant quand l'Occident fonce à la quête d'un confort seulement inimaginable jusqu'alors avec un pare-chocs de solide optimisme.
    Amnésie versus imaginaire.
    Mais sans espoir l'imaginaire est-il encore possible ? Et s'il l'est, de quoi peut-il encore se composer ?
    Et sans espoir les relations sont-elles encore possibles ? Et si elles le sont, quelle est la chimie de leur ciment ?

    Dans le monde que nous propose Beckett, il n'y a plus de place à l'espoir. Peut-être n'y en a-t-il même plus aux lendemains, ou alors immuables et dénués de tout accident.
    Probablement suite à une implosion décisive, tout alentour n'est que ruine et à son image, le bunker où les protagonistes sont confinés. La vie n'a plus cours même si comme le dit Clov, le domestique de l'aveugle Hamm, "quelque chose suit son cours". Un quelque chose qui ne dépend plus de soi mais dont on serait le jouet ou la victime.
    Si dans les histoires qu'invente Hamm, il ne se risque jamais à susciter la moindre lumière - celle-ci serait insupportable - elles ne sont pas dénuées d'humour. Dans le sens de la dérision et du cynisme. De l'indispensable distance. Pourtant la lumière existe, on a juste peur qu'elle nous brûle et on la farde.
    Selon le même procédé, les relations paraissent tenir, comme autant de rôles à assumer, par les fonctions sociales qui les sous-tendent. Maître/domestique, mari/femme, parents/enfant. Les personnages ne se livrent jamais à des élans trop ostensibles.
    On pourrait croire ces échanges purs chantages et codes, pourtant ils ne sont pas dénués d'amour. Et bien au contraire. Jamais une formalité ne dissuaderait Clov de prendre ses cliques et ses claques et de s'en aller crever ailleurs s'il n'y avait pas cet amour. Un amour réciproque. Mais craintif parce que blessé et dont on se méfierait comme de la pire des tares puisque malgré sa présence l'humanité a réussi à s'exterminer.
    De la même manière que ces couples qui s'aiment et qui s'entre-déchirent. Par béance de confiance. En eux. En la vie. En l'amour même.
    Quand l'espoir est mort, la confiance est éteinte. Et vice-versa.

    Ainsi l'amidon qui maintient encore ce maigre et fragile échafaudage n'est à mon sens rien d'autre que l'amour. Il survit au-delà des dépendances, puisque comme rien n'est à gagner plus personne n'a rien à perdre. Au niveau de son ego en tout cas. Même si c'est aux sursauts et réflexes de ce dernier qu'on assiste bien souvent.
    C'est cet amour qu'en tant que comédien j'aimerais trouver et donner à toucher derrière les masques de la peur et du mépris. C'est lui, cet ultime immortel qui transsude de l'ego qui est pour moi l'essence de cette pièce. Car rejeter une chose ne suffit pas à l'anéantir.


    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires